22 septembre 1863 (1) : Victor Duruy, ministre de l'instruction publique écrit aux recteurs :
Monsieur le recteur, avant que le nouveau plan d'études établi par mon arrêté du 12 septembre courant, conformément au décret du 2 de ce mois, entre en cours d'exécution, je crois opportun de vous adresser un supplément d'instructions qui ne laisse subsister aucun doute sur le but que je me suis proposé et sur les moyens de l'atteindre. Mon but actuel, le voici : Fortifier par un enseignement scientifique mieux coordonné et plus solide la culture intellectuelle des élèves de la section des lettres ; Fortifier et mûrir par l'enseignement littéraire d'une première année d'humanités, combiné avec celui des principes mathématiques, la culture intellectuelle des élèves de la section des sciences ; Relever ainsi des deux parts le niveau des études. Je ne m'occuperai dans cette circulaire que des modifications qui sont pour le moment réalisables dans l'enseignement scientifique. Classe de quatrième. Les élèves de la division de grammaire continueront à recevoir en quatrième un premier enseignement, comprenant les éléments d'arithmétique et des notions préliminaires de géométrie. On s'est plaint généralement du peu d'efficacité de cet enseignement : j'ai pensé qu'un nouveau programme était nécessaire. Le cours d'arithmétique est surtout destiné, dans cette classe, à familiariser les élèves avec le calcul; il doit être très élémentaire, sans cesser cependant d'être raisonné. Les opérations sur les nombres décimaux doivent être présentées comme une simple extension des quatre règles sur les nombres entiers, en sorte que les élèves puissent être mis de bonne heure en présence des exercices intéressants et variés qui dérivent de notre système décimal. Les notions de géométrie, au lieu d'embrasser, comme par le passé, toute la géométrie plane conformément au Traité de Clairaut [C. 21], seront restreintes aux principales propriétés de la ligne droite et du cercle, présentées dans l'ordre didactique que l'expérience a consacré. Je n'ai pas la pensée de contester le mérite de l'ouvrage de Clairaut II restera dans les mains de nos élèves comme livre de lecture : il y a toujours profit à suivre la pensée d'un homme illustre, lors même qu'il s'écarte des voies didactiques, parce qu'un grand esprit laisse son empreinte dans tout ce qu'il touche. Mais, comme texte d'enseignement, ce traité ne saurait être conservé. Les professeurs sont unanimes sur ce point : quand l'heure des interrogations arrive, que reste-t-il dans l'esprit des élèves de cette promenade à travers la géométrie ? Rien de saisissable. Et malheureusement, ce n'est pas seulement dans la classe de quatrième, mais aussi dans celle de troisième (lettres), qu'un système d'enseignement géométrique sans rigueur avait prévalu. Le programme n° 22 de l'ancien plan d'études portait en fête ces lignes : « Le professeur s'aidera des éléments de géométrie de Clairaut : il pourra abréger les démonstrations, et les supprimer au besoin, en les remplaçant par de simples explications. » Quel travail le maître peut-il exiger d'élèves qui savent officiellement qu'il leur est permis de supprimer les démonstrations? Les épreuves du baccalauréat ès lettres sont là pour attester la faiblesse extrême des candidats sur toutes les parties du programme des mathématiques. Je repousse ce mode d'enseignement; il est périlleux, ne fût-ce que pendant un semestre, d'habituer les élèves à se contenter de l'a peu près en matière géométrique. Je préfère de beaucoup les initier de bonne heure à l'admirable enchaînement des propositions d'Euclide : enseigner moins de choses, mais enseigner mieux. En fait, l'inspection générale a constaté, depuis plusieurs aimées, qu'aucun professeur des lycées de Paris ne se conformait aux prescriptions du programme dont je viens de parler; dès les premières années qui suivirent l'établissement du plan d'études de 1852, le traité de Clairaut était délaissé à Paris. Il en est de même aujourd'hui dans la plupart de nos grands lycées de province. Je n'ai pas besoin d'insister, monsieur le recteur, sur ce qu'il y avait d'anormal et de grave dans cette situation du corps enseignant, placé en présence de programmes revêtus d'une sanction officielle, et néanmoins passés à l'état de lettre morte. Il était temps que cet abus eût un terme. Vous voudrez bien tenir la main à ce que les nouveaux programmes soient fidèlement suivis. Ils obtiendront, je l'espère, la haute sanction d'un avis conforme du conseil impérial (Duruy 70).
Un premier décret du 2 septembre 1863 [initié par Duruy, appelé au ministère la même année] ordonna qu'à l'avenir la séparation entre les élèves des sciences et ceux des lettres s'opérerait après la troisième et non plus à l'issue de la quatrième; l'année suivante, un décret du 4 décembre la reportait à la fin de la rhétorique. Ce changement radical entraîna des modifications dans le programme des études. II fallait donner aux enfants une culture générale et mettre à la fin des études un baccalauréat unique, attestant à chaque admission nouvelle que l'Université livrait un esprit largement ouvert. Les sciences furent mêlées aux lettres; les méthodes scientifiques subirent une transformation : à la méthode explicative de Clairaut, suivie depuis 1852 [cf. 1852 (1)], on substitua la méthode démonstrative d'Euclide. Pour préparer aux écoles spéciales, un cours de mathématiques élémentaires fut créé à la suite de la philosophie (Picard 91, pp. 343-344).
Duruy (Victor), « Instruction relative à l'exécution de l'arrêté du 12 septembre 1863, concernant les programmes provisoires de l'enseignement scientifique des lycées impériaux », Circulaires et instructions officielles relatives à l'instruction publique, 12 vol., Paris, 1863-1902, vol. 6, Paris, 1870, pp. 19-25 [Télécharger].
Picard (Alfred), Exposition universelle internationale de 1889 à Paris. Rapport général, vol. 4, Paris, 1891 [Télécharger].
Courcelle (Olivier), « 22 septembre 1863 (1) : Victor Duruy, ministre de l'instruction publique écrit aux recteurs », Chronologie de la vie de Clairaut (1713-1765) [En ligne], http://www.clairaut.com/n22septembre1863po1pf.html [Notice publiée le 18 avril 2013].
Ce changement radical entraîna des modifications dans le programme des études. II fallait donner aux enfants une culture générale et mettre à la fin des études un baccalauréat unique, attestant à chaque admission nouvelle que l'Université livrait un esprit largement ouvert. Les sciences furent mêlées aux lettres; les méthodes scientifiques subirent une transformation : à la méthode explicative de Clairaut, suivie depuis 1852 [cf. 1852 (1)], on substitua la méthode démonstrative d'Euclide. Pour préparer aux écoles spéciales, un cours de mathématiques élémentaires fut créé à la suite de la philosophie (Picard 91, pp. 343-344).