22 décembre 1738 (1) : Maupertuis écrit à Celsius.
Je crois vous avoir dit l'autre jour, mon cher Monsieur, qu'il était venu des nouvelles du Pérou, mais quand je fermais le paquet, je ne savais pas encore le détail. Ce détail est la chose du monde la plus fâcheuse pour moi, car je n'espère presque plus que leur opération réussisse ; ou si elle réussit, ce sera si tard que l'on aura oublié alors que j'avais été au cercle polaire. En cas que vous preniez encore quelque intérêt à cette affaire, je vous dirais qu'après 4 ans, ils avaient fait 4 ou 5 triangles ; et dans les principes où est M. Godin qu'il faut mesurer plusieurs degrés, il leur faudrait encore bien des années. Mais les dissensions qui sont entre eux m'empêchent d'espérer qu'ils puissent rien finir. Après des scènes terribles, ils en étaient à ne se plus parler depuis 6 mois lorsqu'ils ont écrit. Et comment faire un tel ouvrage sans se parler ? Il est à craindre qu'à la fin quelqu'un d'eux meure et que les 2 autres s'en reviennent l'un par l'orient, l'autre par l'occident sans avoir rien fait. Il est à craindre presque qu'ils ne se coupent la gorge à la fin. Les dissensions font qu'ils ne s'accordent sur rien. Dans l'obliquité de l'écliptique qu'ils ont prise avec un secteur de 12 pieds, ils diffèrent l'un de l'autre de 16''. Ils pourront ainsi trouver la Terre les uns allongée, les autres aplatie ; enfin, c'est une misère, mais une misère qui retombe sur moi et qui me laisse toujours dans la mauvaise situation où j'étais et qui me fait bien regretter que vous n'ayez pas voulu entreprendre la mesure dont je vous avais parlé [cf. 8 juin 1738 (1)], car la rupture des glaces n'est une chose ni fréquente je crois, ni sans remède, parce qu'on peut avoir toujours auprès de soi des bateaux sur la glace. D'ailleurs on a[ur]ait fort bien mesuré le lac par des triangles d'un côté à l'autre. Mais il est inutile d'en parler davantage. Je suis justement fâché d'être le seul à sentir le chagrin de voir qu'on n'est pas content de ce que nous avons fait. Et pour cela je vous avoue qu'il n'y a rien que je n'eusse entrepris. Voilà l'état où sont les choses. je suis toujours, Monsieur, votre très humble et très obéissant serviteur (Nordenmark 36, pp. 95).
C'est la dernière lettre connue de Maupertuis à Celsius (Nordenmark 36, p. 259).
Courcelle (Olivier), « 22 décembre 1738 (1) : Maupertuis écrit à Celsius », Chronologie de la vie de Clairaut (1713-1765) [En ligne], http://www.clairaut.com/n22decembre1738po1pf.html [Notice publiée le 14 juillet 2009].