On a seulement commencé à 4 heures 15 minutes le jeudi matin, à voir la Lune qui était alors toute éclipsée ; on ne la voyait que très faiblement, peut-être à cause du crépuscule. À 5 heures et un quart, elle n'avait pas encore commencé à sortir de l'ombre, et elle était prête à se cacher sous l'horizon, lorsque les nuages ont de nouveau empêché de la voir. On a continué à travailler à ce qui concernait les observations que l'on avait à faire ; on est allé placer sur la montagne dans le petit observatoire, une pendule que M. Graham avait envoyée avec le secteur. On a placé dans le même observatoire, un instrument pour prendre la direction de la méridienne. Depuis que le secteur a été placé, quelqu'un de nous a couché toutes les nuits dans le grand observatoire, pour empêcher qu'on ne dérangeât ou qu'on ne gâtât cet instrument. Les habitants commençaient à se baigner souvent. Leur bain est si chaud, que M. de Maupertuis qui voulut en essayer, trouva que le thermomètre fait sur les principes de M. de Réaumur y montait à 44 degrés au-dessus de la congélation. Ils ont dans leurs bains une espèce de fourneau, tout semblable à celui dont j'ai dit qu'ils se servent pour sécher les blés : il est placé de même dans l'angle de la chambre. Quand le massif de cailloux qui le forme est bien échauffé, ils jettent de l'eau dessus, et la vapeur de cette eau leur sert pour le bain ; ils y vont ordinairement deux ensemble, et y tiennent chacun une poignée de verges, dont ils se frappent pour exciter la transpiration. J'ai vu à Pello un vieillard fort âgé sortir du bain tout nu et tout en sueur, traverser ainsi sa cour par un grand froid sans en être incommodé. À Corten Niemi et chez tous les paysans un peu aisé, outre la chambre destinée au bain, ils en ont encore une autre plus grande où il y a un fourneau ; deux ou trois petits trous carrés, larges d'environ six pouces y servent de fenêtres ; c'est là que la famille couche pendant tout l'hiver. Pendant le jour les hommes y travaillent à raccommoder leurs filets pour la pêche, ou à en faire de neufs, les femmes, à filer ou à faire de la toile au métier. Ils sont comme dans des étuves, dans ces chambres qu'ils nomment pörti ou pyrti. Des morceaux de sapins fendus fort minces, longs de deux ou trois pieds, qu'ils allument, leur tiennent lieu de lampe ou de chandelle : ces morceaux de bois qui sont fort secs, brûlent assez bien, mais ils ne durent guère ; ils reçoivent les charbons qui en tombent, dans les paniers pleins de neige, pour ne pas s'exposer à mettre le feu dans leur maison. Le jeudi au soir, il y eut encore beaucoup de ces petits moucherons si incommodes. La nuit, le temps s'est couvert (Outhier 44, pp. 106-108).
Courcelle (Olivier), « 20 septembre 1736 (1) : Pello », Chronologie de la vie de Clairaut (1713-1765) [En ligne], http://www.clairaut.com/n20septembre1736po1pf.html [Notice publiée le 18 novembre 2007].