18 mai 1789 (1) : Les sœurs Planström : sentence :
Les presidents tresoriers généraux de France au bureau des finances de la généralité de Rouen et Grands Voyers en icelle, tenant la chambre du domaine sur la requeste presentée par Joseph Bazile de Poinsignon, administrateur des domaines, a stipulé et representé par le sieur de Trezy, directeur et receveur général desdits domaines expositive [!] que la dame Elizabeth de Planstron, veuve du sieur Anne Pottier de Sevis, chevalier seigneur de Pelletot, ancien mousquetaire de la garde, agée de soixante sept ans ou environ est decedée a Paris le vingt sept decembre mil sept cent quatre vingt quatre [26 ! cf. 27 décembre 1784 (1)], sans enfants et sans heritiers capables de recueillir sa succession, consistante principalement en droits immobiliers que la ditte dame avoit a repeter sur la succession de son mary et notamment sur la terre de Pelletot. Pourquoi cette succession etant de droit devolue a titre d'aubaine, desherence ou tout autre titre que ce soit. Il donne sa requete à ce qu'il plaise a la chambre, vû l'enoncé en icelle et l'extrait mortuaire joint [cf. 27 décembre 1784 (1)], adjuger au domaine du Roy la succession de la ditte dame Elizabeth Planstro[m], veuve dudit sieur Anne Pottier de Sevis, à titre d'aubaine, de desherence ou a tel autre tire que ce soit, en consequence ordonner que toutes diligences requises et necessaires seront faites tant aux fermiers detenteurs des biens d'icelle, qu'aux debiteurs des rentes, même a tous depositaires de titres, deniers et effet de la succession, lesquels seront tenus de vuider leurs mains en celles du suppliant, de son directeur, ou de son preposé en cette ville, faute de quoi ils y seront contraints et poursuivis par toutes voyes dues et raisonnables, même par corps, comme pour deniers et affaires de Sa Majesté jusqu'à concurrence de cent mille livres. Veu laditte requête signée Le Vilain de la Lutuniere, l'extrait mortuaire [cf. 27 décembre 1784 (1)] de la ditte dame Elizabeth de Planstron, veuve de messire Anne Pottier de Sevis de Pelletot, ancien mousquetaire de la garde du Roy, inhumée dans le cim[e]tiere de Saint Medard a Paris le vingt sept decembre mil sept cents quatre vingt quatre, decedée agée de soixante sept ans, ledit extrait attaché a laditte requête, icelle souscritte d'orodonnance de Soit communiqué au procureur du Roy, conclusions d'iceluy etant ensuite, le tout en datte de ce jour et oui le rapport du sieur Pier de Benneville, conseiller tresorier général de France, commissaire, tout considréré, la chambre ayant egard à la requete de la partie de Le Vilain de la Lutuniere et y faisant droit, a adjugé et adjuge au domaine du Yoy la succession de la ditte dame Elizabeth de Planstrom, veuve du sieur Anne Pottier de Sevis, à titre d'aubaine, de desherence ou a tel autre titre que ce soit, en consequence a ordonné et ordonne que tout que toutes diligences requises et necessaires seront faites tant aux fermiers detenteurs des biens d'icelle, qu'aux debiteurs des rentes, même a tous depositaires de titres, deniers et effet de la succession, lesquels seront tenus de vuider leurs mains en celles de la partie de Le Vilain de la Lutuniere, de son directeur, ou de son preposé en cette ville, faute de quoi ils y seront contraints et poursuivis par toutes voyes dues et raisonnables, même par corps, comme pour deniers et affaires de Sa Majesté jusqu'à concurrence de cent mille livres. Et mandé au premier huissier de cette chambre ou autre sur ce requis mettre la presente ordonnance a execution. Donn[é] a Rouen en la chambre du domaine le lundy dix huit may mil sept cent quatre vingt neuf. Delafosse (AD Seine-Maritime, C 2931, pièce 2).
Ce jugement intervient suite à la dénonciation de Beaufils du 7 novembre 1788 (cf. 7 novembre 1788 (1)). Un mémoire étudiait la question : Mémoire Le sieur Anne Pothier de Sevis, seigneur de Pelletot, veuf de la dame Espérance Marie Bouvet Duparc, m[arqu]ise de Carracioli a epousé en secondes noces demoiselle Elisabeth de Planstrom. Par son contrat de mariage avec la d[emois]elle de Planstrom, le s[ieu]r Pothier de Sevis reconnoit qu'elle lui a apporté trente huit mille livres ou seize cent louis d'or, et onze mille livres en bijoux, vaisselle d'argent et autres effets, ce qui compose la dot de cinquante mille livres [Ce contrat de mariage passé le 23 novembre 1745 [cf. 23 novembre 1745 (2)] par devant Me d'Aoust, notaire a Paris, y a eté déposé en minuttes. Me Doillot, notaire rue S[ain]t Thomas du Louvre succède a Me d'Août NDA]. Cette dot par le contrat a été consignée sur les biens que le sieur Pothier de Sevis possedoit en Normandie. Le sieur Pothier de Sevis est mort sans laisser d'enfants de son second mariage avec la dame de Planstrom. Et depuis la dame de Planstrom est décédée sa veuve après avoir institué par testament fait olographe le 5 juillet 1785 un sieur Etienne Dallé son legataire universel. Mais la dame de Planstrom etoit etrangere, ainsi qu'il résulte de son contrat de mariage, et comme etrangère elle n'a pu disposer de ses immeubles ? [On a lieu de croire la d[a]me de Planstrom originaire Laponne mais au surplus son contrat de mariage confirmera qu'elle est née chez une nation a l'égard de laquelle le droit d'aubaine n'a point eté aboli NDA.] En Normandie, suivant l'article 539 de la coutume la dot consignée sur les biens est une constitution, une hypothèque, c'est a dire un immeuble ; la dot de la d[a]me de Planstrom ayant eté consignée par son contrat de mariage est donc un immeuble ; le legs universel fait au sieur Etienne Dallé ne peut conséquemment comprendre cette dot qui par le décès de la testatrice est echue au domaine a titre d'aubaine. Cependant par un acte passé en l'etude de Me Le Sacher, notaire a Paris, le 29 octobre 1786, le s[ieu]r Etienne Dallé a fait cession a titre de forfait, sans autre garantie que de ses faits et promesses, aux s[ieu]r et d[a]me Robequin, petits enfans du premier mariage du sieur Pothier de Sevis et ses heritiers, de tous les droits qu'il avoit dans sa succession comme créancier et comme légataire de la dame de Planstrom, lesquels droits et actions, est il dit dans l'acte, ont principalement pour objet, entre autres, la reprise des cinquante mille livres de dot par elle apportée au mariage, et dont ledit feu sieur son mari s'est chargé envers elle par leur contrat de mariage. Et par acte passé devant Le Sacher, notaire a Paris, le 5 aout 1787, les s[ieu]r et dame Robequin ont fait transport a m[ess]ire Thomas de Bosmelet, c[onsei]ller au parlement de Normandie de tous les droits et créances qu'ils avaient acquis du sieur Etienne Dallé et qu'il avoit a répéter comme legataire universel de la d[a]me de Planstrom dans la succession du sieur Pothier de Sevis de Pelletot son mari. Et enfin par contrat passé en l'etude de Me Le Sacher, notaire a Paris, le 16 [novem]bre 1787, les s[ieu]r et d[a]me Robequin, devenus seuls proprietaires de la terre et seigneurie de Pelletot au moyen de la cession qui leur avoit eté faite par le sieur Dallé, pour acquitter les engagemens qu'ils avoient contracté avec lui aux créances duquel le domaine de Pelletot et ses dépendances etoient affectés, ont voulu et abandonné a m[ess]ire Thomas de Bosmelet, conseiller au parlement de Normandie les fermes, terres et domaine de Pelletot et ses dependances situées en la paroisse du meme nom en Normandie, pays du petit Caux, election d'Arque. La dame de Planstrom ne pouvant disposer de ses immeubles, le s[ieu]r Dallé n'a pu les recueillir, il n'a pu faire cession d'une bien qu'elle n'avoit point pu lui donner, et son transport aux s[ieu]r et dame Robequin est nul, ainsi que que celuis qu'ils en ont fait a m[ess]ire de Bosmelet. Le testament de la dame de Planstrom etant donc nul en ce qui concerne ses immeubles, il est demeuré sans effet et c'est dans l'etat de ses biens au jour de son décès que le domaine doit reclamer la dot de cinquante mille livres. En consequence il doit demander l'envoy en possession des biens de la succession du s[ieu]r Pothier de Pelletot jusqu'à concurrence, et agir contre le détenteur. Les renseignemens sur cette aubaine dérivent d'abord du contrat de mariage du sieur Pothier de Sevis avec la d[a]me de Planstrom, et des trois actes qu'on joint au present mémoire savoir 1° transport fait au s[ieu]r et d[a]me Robequin par le s[ieu]r Dallé, légataire universel de la d[a]me de Planstrom. 2° transport des droits du s[ieu]r Dallé a m[ess]ire de Bosmelet par les s[ieu]r et d[a]me Robequin. 3° contrat de vente de la terre de Pelletot affectée a la consignation des 50 000 # a m[ess]ire de Bosmelet par les s[ieu]r et d[a]me de Robequin (AD Seine-Maritime, C 2931, pièce 7). Un extrait de l'acte de mariage (pièce 6) et des grosses des trois actes notariés (pièce 9, 10 et 11) sont joints au dossier. Les parties potentiellement adverses : Demoiselle Marguerite Planstrom de Peinlandy, fille majeure, seule heritiere sous bénéfice d'inventaire et legataire particuliere de la deffunte d[am]e de Pelletot sa sœur. Le s[ieu]r Etienne dallé, bourgeois de Paris, y demeurant rue Chartrière, p[aroi]sse S[ain]t Hilaire, créancier de 25 450 # sur lad[ite] v[euv]e Pothier et son legataire universel et cessionnaire de la d[emois]elle Marg[ueri]te Planstrom. Le s[ieu]r Pierre Robequin, maitre fondeur et d[emois]elle Marie Anne Felicité Gallot de Bellecourt son épouse, demeurant a Paris, rue Jean Robert, p[aroi]sse S[ain]t Nicolas des Champs, cessionnaire des droits du s[ieur] Dallé M. de Bosmelet, conseiller au Parlement de Rouen, dem[euran]t rue de l'Hospital et cessionnaire des droits du s[ieu]r Robequin (AD Seine-Maritime, C 2931, pièce 4). Le jugement fait suite à un arrêt du conseil du 12 mars 1789 qui détaillait également l'affaire (AD Seine-Maritime, C 2931, pièce 5).
Abréviations
AD : Archives départementales.
NDA : Note de l'auteur.
Courcelle (Olivier), « 18 mai 1789 (1) : Les sœurs Planström : sentence », Chronologie de la vie de Clairaut (1713-1765) [En ligne], http://www.clairaut.com/n18mai1789po1pf.html [Notice publiée le 25 avril 2013].
Mémoire
Le sieur Anne Pothier de Sevis, seigneur de Pelletot, veuf de la dame Espérance Marie Bouvet Duparc, m[arqu]ise de Carracioli a epousé en secondes noces demoiselle Elisabeth de Planstrom.
Par son contrat de mariage avec la d[emois]elle de Planstrom, le s[ieu]r Pothier de Sevis reconnoit qu'elle lui a apporté trente huit mille livres ou seize cent louis d'or, et onze mille livres en bijoux, vaisselle d'argent et autres effets, ce qui compose la dot de cinquante mille livres [Ce contrat de mariage passé le 23 novembre 1745 [cf. 23 novembre 1745 (2)] par devant Me d'Aoust, notaire a Paris, y a eté déposé en minuttes. Me Doillot, notaire rue S[ain]t Thomas du Louvre succède a Me d'Août NDA].
Cette dot par le contrat a été consignée sur les biens que le sieur Pothier de Sevis possedoit en Normandie.
Le sieur Pothier de Sevis est mort sans laisser d'enfants de son second mariage avec la dame de Planstrom.
Et depuis la dame de Planstrom est décédée sa veuve après avoir institué par testament fait olographe le 5 juillet 1785 un sieur Etienne Dallé son legataire universel.
Mais la dame de Planstrom etoit etrangere, ainsi qu'il résulte de son contrat de mariage, et comme etrangère elle n'a pu disposer de ses immeubles ? [On a lieu de croire la d[a]me de Planstrom originaire Laponne mais au surplus son contrat de mariage confirmera qu'elle est née chez une nation a l'égard de laquelle le droit d'aubaine n'a point eté aboli NDA.]
En Normandie, suivant l'article 539 de la coutume la dot consignée sur les biens est une constitution, une hypothèque, c'est a dire un immeuble ; la dot de la d[a]me de Planstrom ayant eté consignée par son contrat de mariage est donc un immeuble ; le legs universel fait au sieur Etienne Dallé ne peut conséquemment comprendre cette dot qui par le décès de la testatrice est echue au domaine a titre d'aubaine.
Cependant par un acte passé en l'etude de Me Le Sacher, notaire a Paris, le 29 octobre 1786, le s[ieu]r Etienne Dallé a fait cession a titre de forfait, sans autre garantie que de ses faits et promesses, aux s[ieu]r et d[a]me Robequin, petits enfans du premier mariage du sieur Pothier de Sevis et ses heritiers, de tous les droits qu'il avoit dans sa succession comme créancier et comme légataire de la dame de Planstrom, lesquels droits et actions, est il dit dans l'acte, ont principalement pour objet, entre autres, la reprise des cinquante mille livres de dot par elle apportée au mariage, et dont ledit feu sieur son mari s'est chargé envers elle par leur contrat de mariage.
Et par acte passé devant Le Sacher, notaire a Paris, le 5 aout 1787, les s[ieu]r et dame Robequin ont fait transport a m[ess]ire Thomas de Bosmelet, c[onsei]ller au parlement de Normandie de tous les droits et créances qu'ils avaient acquis du sieur Etienne Dallé et qu'il avoit a répéter comme legataire universel de la d[a]me de Planstrom dans la succession du sieur Pothier de Sevis de Pelletot son mari.
Et enfin par contrat passé en l'etude de Me Le Sacher, notaire a Paris, le 16 [novem]bre 1787, les s[ieu]r et d[a]me Robequin, devenus seuls proprietaires de la terre et seigneurie de Pelletot au moyen de la cession qui leur avoit eté faite par le sieur Dallé, pour acquitter les engagemens qu'ils avoient contracté avec lui aux créances duquel le domaine de Pelletot et ses dépendances etoient affectés, ont voulu et abandonné a m[ess]ire Thomas de Bosmelet, conseiller au parlement de Normandie les fermes, terres et domaine de Pelletot et ses dependances situées en la paroisse du meme nom en Normandie, pays du petit Caux, election d'Arque.
La dame de Planstrom ne pouvant disposer de ses immeubles, le s[ieu]r Dallé n'a pu les recueillir, il n'a pu faire cession d'une bien qu'elle n'avoit point pu lui donner, et son transport aux s[ieu]r et dame Robequin est nul, ainsi que que celuis qu'ils en ont fait a m[ess]ire de Bosmelet.
Le testament de la dame de Planstrom etant donc nul en ce qui concerne ses immeubles, il est demeuré sans effet et c'est dans l'etat de ses biens au jour de son décès que le domaine doit reclamer la dot de cinquante mille livres.
En consequence il doit demander l'envoy en possession des biens de la succession du s[ieu]r Pothier de Pelletot jusqu'à concurrence, et agir contre le détenteur.
Les renseignemens sur cette aubaine dérivent d'abord du contrat de mariage du sieur Pothier de Sevis avec la d[a]me de Planstrom, et des trois actes qu'on joint au present mémoire savoir 1° transport fait au s[ieu]r et d[a]me Robequin par le s[ieu]r Dallé, légataire universel de la d[a]me de Planstrom.
2° transport des droits du s[ieu]r Dallé a m[ess]ire de Bosmelet par les s[ieu]r et d[a]me Robequin.
3° contrat de vente de la terre de Pelletot affectée a la consignation des 50 000 # a m[ess]ire de Bosmelet par les s[ieu]r et d[a]me de Robequin (AD Seine-Maritime, C 2931, pièce 7). Un extrait de l'acte de mariage (pièce 6) et des grosses des trois actes notariés (pièce 9, 10 et 11) sont joints au dossier. Les parties potentiellement adverses :
Demoiselle Marguerite Planstrom de Peinlandy, fille majeure, seule heritiere sous bénéfice d'inventaire et legataire particuliere de la deffunte d[am]e de Pelletot sa sœur.
Le s[ieu]r Etienne dallé, bourgeois de Paris, y demeurant rue Chartrière, p[aroi]sse S[ain]t Hilaire, créancier de 25 450 # sur lad[ite] v[euv]e Pothier et son legataire universel et cessionnaire de la d[emois]elle Marg[ueri]te Planstrom.
Le s[ieu]r Pierre Robequin, maitre fondeur et d[emois]elle Marie Anne Felicité Gallot de Bellecourt son épouse, demeurant a Paris, rue Jean Robert, p[aroi]sse S[ain]t Nicolas des Champs, cessionnaire des droits du s[ieur] Dallé
M. de Bosmelet, conseiller au Parlement de Rouen, dem[euran]t rue de l'Hospital et cessionnaire des droits du s[ieu]r Robequin (AD Seine-Maritime, C 2931, pièce 4). Le jugement fait suite à un arrêt du conseil du 12 mars 1789 qui détaillait également l'affaire (AD Seine-Maritime, C 2931, pièce 5).