M[essieu]rs Clairaut et le Gentil ont fait le rapport suivant de la Theorie de la comete de cette année par M. Bailly [cf. 16 juin 1759 (1)]. Le gout decidé que M. Bailly a pour les mathematiques en general, et en particulier pour l'astronomie, ne luy a pas permis de demeurer oisif pendant l'apparition de la derniere comete. Il n'a cependant pû l'observer aussi souvent que son ardeur pour les observations astronomiques le portoit a le faire. Eleve de M. Delacaille [La Caille] il falloit que les observations de M. Bailly pussent se concilier avec la regle établie dans le college Mazarin ; et en même tems il falloit ne pas detourner M. de La Caille de ses propres observations ; mais comme M[onsieu]r Bailly ne se croit pas encore assés exercé dans la pratique des observations astronomiques il ne publie point celles qu'il a faites, ne pouvant les produire, dit-il, pour des mesures exactes. Cette mefiance de soy même toujours louable dans un elève a fait que M[onsieu]r Bailly, qui vouloit donner une theorie exacte de la comete s'est principalement attaché a faire usage des observations de M. de La Caille qui a bien voulu les luy communiquer toutes ; ainsi c'est sur les observations de cet academicien que M[onsieu]r Bailly a etably les elements de la theorie de la comete ; il a corrigé ces observations avec la parallaxe, et avec l'aberration de la lumiere et il n'a pas eu de plus grand empressement que celuy d'apporter a l'Academie les resultats de son calcul dès qu'il la vû en état de pouvoir luy être presenté. On sçait que cette comete a été apperçuë en Allemagne dès le mois de decembre de l'année derniere 1758, et cela n'est pas surprenant. En effet M. Bailly trouve que sa distance a la Terre etoit alors beaucoup moindre qu'elle n'etoit les dernier jour de may qu'elle fut observée au college Mazarin. Pendant tout le tems que la comete a été visible sur notre horison elle a parcourû plus de 180 degrés en longitude heliocentrique ; mais quoy qu'elle ait eté vuë si longtems, on n'en a pas, dit M. Bailly, un grand nombre d'observations, du moins ne les a t'on pas encore publiées. Il seroit cependant a desirer qu'on eut les observations faites avant le passage par le perihelie, et a une distance du perihelie [autre] que celles qui ont eté faites dans le moi de may : ces observations plus eloignées entr'elles que ne le sont celle du moi de may feroient mieux connoitre l'inegalité du mouvement, et par consequent la courbe de la comete. Le mois de may de cette année a été favorable aux observations astronomiques, et on pû faire presque tous les jours de ce mois des observations de la comete. Parmi les observations que M. l'abbé de La Caille a laissées a la disposition de M. Bailly ; celle du 13 avril, du premier et du 21 may lui ont parû les plus propres a calculer la theorie de la comete parce que les intervalles sont a peu près les mêmes ; mais avant tout M[onsieu]r Bailly a crû qu'il etoit necessaire qu'il s'assurat si dans la parabole de même foyer et de même perihelie que l'ellipse les differences etoient considerables. Dans cette vuë il a calculé une table qui s'etend depuis le 90e degré jusqu'au 105 d'anomalie vraye dans la parabole : etenduë suffisante pour toutes les observations de la comete faites pendant le mois de may. M[onsieu]r Bailly a d'ailleurs eut en vuë, en construisant cette table, d'abreger considerablement les calculs dans l'ellipse, calculs comme l'on sçait, assés rebutant, et aisement susceptibles d'erreurs. L'auteur s'est ensuite attaché à une autre espece de calcul aussi interessant que celuy dont nous venons de parler, puisqu'il a également pour but la perfection des élements de la theorie de la comete. Il s'agit de sçavoir l'erreur que peut occasionner dans la determination des ces élements un an de plus ou de moins dans la revolution periodique de la comete. Pour y parvenir M[onsieu]r Bailly suppose deux ellipses dont l'une seroit parcouruë en 27900 jours et l'autre en 27535 jours, ces deux ellipses ont la même distance [au] perihelie ; sçavoir celle qui convient a très peu près a l'orbite que la comete a reellement décrite. D'après ces suppositions M[onsieu]r Bailly a calculé en combien de tems la comète parcoureroit 180 degrés d'anomalie vraye dans chacune de ces deux ellipses, en prenant 90 degrés de par et d'autre du perihelie ; et il a trouvé que dans l'ellipse parcouruë en 27900 jours seroit 44/10000 de jour de plus a parcourir ces 180 degrés, que dans l'ellipse parcouruë en 27535 jours. Ces 44/10000 de jour vallent 6' 20'' de tems. M. Bailly tire de ce calcul deux consequences également importantes. La premiere qu'un an de plus ou de moins d'incertitude sur la revolution periodique de la comete ne peut causer d'erreur sensible dans la determination de ses élements. La seconde, que les observations qu'on peut faire d'une comete pendant tout le tems de son apparition, ne peuvent être d'aucun usage pour fixer la longueur de sa revolution periodique quand même cette comete auroit été vuë pendant plusieurs mois, et qu'elle auroit parcourû plus de 180 degrés de son orbite. Malgré le choix d'un an de plus ou de moins que le calcul de M. Bailly laissoit a sa disposition pour determiner les élements de la theorie de la comete, il a crû qu'il feroit mieux encore, s'il prenoit le tiers de l'intervalle entre les passages de la comete par son perihelie en 1531 et 1759. Cette quantité se trouve précisement de 27700 jours. L'auteur passe actuellement au calcul des elemens de la theorie de la comete tels que Halley les a determinés, et le passage par le perihelie le 13 mars 1759 a midi. Sur ces suppositions M. Bailly calcule les lieux geometriques, tant dans la parabole que dans l'ellipse pour les trois jours des observations qu'il a choisies. Ce calcul qui n'est qu'un calcul d'approximation luy a servi a trouver les reductions convenables aux observations, en supposant la comete se mouvant dans une parabole ; mais il n'a obtenû les veritables reductions que par un second calcul. Enfin après avoir appliqué ces reductions a ses trois observations, M. Bailly a refait entierement les calcul des élements de la comete ; il l'a même soumis a tant d'épreuves qu'il espere l'avoir mis en état de pouvoir être approuvé par cette compagnie. Ce calcul luy a donné pour la longitude du nœud ascendant de la comete 1s 23° 44' 55''. Pour le lieu du perihelie 10. 3. 23. 00, pour l'inclinaison de l'orbite 17. 41. 20. Pour le tems du passage par le perihelie le 12 mars 13h 22m T. M. et enfin pour le [logide?] la distance perihelie 9. 765176. M. Bailly a suivi la methode de M. La Caille (vol. de l'Acad[émie] année 1746) cette methode indique qu'il faut employer la distance accourcie au Soleil ; mais M[onsieu]r Bailly s'en est ecarté dans le calcul de l'observation du 13 avril, et il a substitué a la distance accourcie l'angle a la comete, entre le Soleil et la Terre reduit a l'écliptique ; cette substitution est non seulement commode ; mais même absolument nécessaire, lorsque cet angle est d'environ 90 degrés, et on en sent bien la raison. Au reste M[onsieu]r Bailly fait hommage a M[onsieu]r de La Caille de cette substitution ; il luy a indiquée ; et il a eu de plus la bonté de faire le double des calculs de M[onsieu]r Bailly qui n'a eu par ce moyen d'autre verification a faire de ses calculs que celle de leur comparaison avec ceux de M[onsieu]r de La Caille ; c'est un avantage bien grand aujourd'huy qu'un pareil secours, le grand nombre d'équations diferentes introduites dans l'astronomie rendant les calculs tres longs, et tres susceptibles s'erreur. M[onsieu]r Bailly accompagne son mémoire d'une table qui renferme toutes les observations de la comete qui ont été faites au college Mazarin, calculées dans l'ellipse, les plus grandes differences qu'on remarque dans cette table entre les lieux calculés et les lieux observés vont dans quequ'un a deux minutes mais il y en a beaucoup dans lesquels ces differences se sont que de quelques secondes. Il n'en est pas de même des latitudes, et les differences pour la plupart y sont plus considerables que dans les longitudes. Cela ne doit pas paroître surprenant, dit M. Bailly, ces cometes etant des corps mal terminés, on doit sçavoir qu'il est tres difficile de determiner exactement la durée de leurs passages entre les fils du reticule. Les erreurs sont moins sensibles sur l'ascension droite, parce qu'il est plus aisé d'estimer le passage du milieu d'une comete par un seul fil que par deux fils, dont un est oblique a la route de la comete dans la lunete ; et c'est ce qui fait que les erreurs se portent presque toutes sur la declinaison de la comete. De la vient qu'on trouve souvent quelques minutes de difference dans la latitude d'une même comete, observée suivant cette methode, par deux observateurs differents. Nous nous sommes un peu étendus sur le memoire de M. Bailly : mais nous avons crû que ce mémoire meritoit d'etre traitté de la sorte. Il nous a parû bien fait ; et l'auteur y donne des marques de son zele, et de son application, tant pour ce qui regarde la pratique de l'astronomie ; que pour ce qui concerne les calculs et la theorie. Nous croyons en conséquence que le memoir de M. Bailly merite l'approbation de l'Academie en les mettant au nombre des pieces des sçavans étrangers destinés à l'impression (PV 1759, ff. 517-520).
PV : Procès-Verbaux, Archives de l'Académie des sciences, Paris.
Référence
Bailly (Jean-Sylvain), « Mémoire sur la théorie de la comète de 1759 », Mémoires de mathématique et de physique, présentés à l'Académie royale des sciences par divers sçavans, et lus dans ses assemblées, 5 (1768) 12-18 [Télécharger] [23 décembre 1758 (1)] [16 juin 1759 (1)] [Plus].
Courcelle (Olivier), « 4 juillet 1759 (1) : Clairaut rapporteur », Chronologie de la vie de Clairaut (1713-1765) [En ligne], http://www.clairaut.com/n4juillet1759po1pf.html [Notice publiée le 2 juillet 2011].