Alexis Clairaut (1713-1765)

Chronologie de la vie de Clairaut (1713-1765)


2 août 1752 (1) : Clairaut rapporteur :
M[essieu]rs Nicole et Clairaut ont fait le rapport suivant du mémoire de M[onsieu]r de S[ain]t Jacques de Silvabelle sur le solide de la moindre resistance.

Nous avons examiné par ordre de l'Academie [cf. 21 juin 1752 (1)] un memoire de M[onsieu]r de Saint Jacques de Silvabelle dans lequel il pretend que le fameux problême du solide de la moindre resistance, résolu par un si grand nombre d'habiles geometres, n'avoit pas eté encore traité d'une maniere ou l'on fut entré dans le vrai esprit de la question. Il pense que dans cette recherche comme dans la pluspart de celles dont Mr Newton a fait naitre l'occasion, on ne s'est pas assés attaché a suivre le pas de ce grand homme, et on s'est trop appliqué a chercher des solutions fondées sur un calcul simple qui conduisent aux memes resultats que les siens.

Cet avis fort inutile à donner aujourd'hui, est d'autant plus deplacé en cette rencontre que M Newton n'a absolument rien expliqué de la solution qui peut faire voir la route qu'il a suivie, et qu'on n'a, pour se flat[t]er de l'avoir retrouvée, comme le pense M. de Silvabelle, que ces deux points fixes, l'un que ce devoit etre la plus parfaite de toutes les methodes, l'autre que l'on a decouvert celle qui est en effet la plus parfaite.

Nous ne ferons point mention du long preambule que M. de Silvabelle a mis a ce memoire, parce qu'il ne contient que l'historique de ses recherches et une conversation qu'il a eue avec le P. Jacquier dont il ne nous paroit pas que l'Académie dût faire aucun usage, au cas qu'elle se determine a faire imprimer ce memoire.

Pour ne nous attacher donc qu'à sa partie mathematique, nous dirons qu'elle consiste en deux manieres differentes de determiner le solide de la moindre resistance, non dans toute la generalité que M. Bouguer a donné à ce problême en variant les tranches à volonté, mais en les supposant circulaires, aisi que Mr Newton, Fatio, Bernouilli etc.

Dans chacune de ces solutions M. de Silvabelle parle du principe commun à toutes les questions de cette nature que les parties infiniment petites de la courbe cherchée doivent avoir la meme proprié que la courbe entiere. Et à l'exemple des autres geometres, il en fait varier cette petite partie dont les extremités sont regardées comme fixes, que par le moïen d'une seule changeante. Aïant ensuite determiné cette changeante par la condition du minimum, il en tire la relation qui est entre deux élements consecutifs quelconque de la courbe cherchée, et de là l'équation de la courbe meme.

Dans les solutions de ce problême deja publiées dans la plupart de celles des problêmes de meme espece, la quantité qu'on laisse changeante est l'ordonnée ou l'abcisse qui repond au point variable placé entre les deux ponts donnés, et l'on choisit entre ces deux lignes, celle qui entre le moins dans l'expression qu'il faut differentier afin de rendre l'équation qui en doit resulter aussi simple quelle puisse l'etre.

Par ce moïen on est arrivé du premier coup à une équation en premieres differences dans presque toutes les solutions qui ont parües jusqu'à present du solide de la moindre resistance, au lieu que M. de Silvabelle par le choix de la variable qu'il a employé arrive à des équations compliquées qui, pour etre ramenées ainsi qu'il a fait à l'équation [connue?] de la courbe, demandent beaucoup de [?] et de patience.

Dans chacune de ces solutions, la variation qu'il permet au point du milieu du petit arc cherché, consiste a le faire glisser dans la droitte qui coupe perpendiculairement et en deux parties egales la corde qui joint les extremités données de cet arc. Mais ce qui distingue ces deux solutions, c'est que dans la premiere l'on se contente de regarder le petit arc, comme la somme de deux lignes droites, au lieu que dans la seconde, on regarde la petite partie cherchée de la courbe comme un arc de courbe, dont le centre qu'il s'agit de trouver est placé quelque part dans la droite dont nous venons de parler.

Si cette seconde solution a encore plus que la premiere l'inconvenient d'entrainer dans un calcul considerable, pour arriver à un resultat assés facile a trouver, elle a d'un autre coté cet avantage qu'elle est fondée sur un problême qui n'avoit pas eté resolu et qui peut exciter quelque curiosité, il consiste a determiner entre tous les arcs de cercles qui passent par deux points donnés, celui qui donne par sa revolution autour d'un axe pris à volonté la moindre resistance possible. Mais il faut pourtant avoüer que ce probleme est de ceux qui sont presque aussitot resolus qu'imaginés, et qu'il y a peu de quoi flater les geometres qui connoissent toute la generalités des formules données par M. Bouguer, et en particulier celles qu'il a calculées pour des [solides?] formées par des révolutions d'arc de cercle autour de leur corde.

Quelques longues que soient les solutions de M. de Silvabelle, nous leur donnerions la preference sur celles qui l'ont precedé, si elles avoient eté necessaires pour avoir une idée nette de la nature du problême et [? ? ? ?] la plupart des geometres qui avoient traité la question, etoient tombés à l'égard de la seconde partie de la courbe qui est convexe vers l'axe, à laquelle ils attribuoient la proprieté de la moindre resistance aussi bien qu'à la branche concave. Mais ces solutions toutes possibles qu'elles sont par l'usage qu'on y fait de [? ?] infiniment petits que les autres geometres avoient negligé, etoient entierement inutiles pour comfirmer les premiers, parce qu'il n'y avoit aucun lieu de douter que les quantités qu'on y avoit négligées, ne fussent reellement tres negligeables. Et quant à la remarque que l'auteur a fait à l'occasion de la branche convexe, outre qu'il avoit eté prévenu par M. Bouguer [? ? ?] de la methode qui l'y a conduit consiste a faire voir par le calcul qu'un [?] infiniment petit de la branche convexe souffriroit une plus grande resistance qu'une partie rectiligne ou concave qui passeroit par les mêmes extremités. Or une telle verité pouvoit aisement se reconnnoitre par un examen beaucoup plus simple que les formules compliquées qui l'on fait decouvrir a M. de Silvabelle, et des qu'on s'en etoit apperçu, on ne pouvoit pas manquer d'en conclure, ainsi qu'il a fait, et M. Bouguer avant lui, que les petits cotés qUon avoit determinés en egalant à zero la differentielle de la resistance devoient donner alors un maximum de resistance au lieu d'un minimum que l'on avoit dans le premier cas.

L'auteur termine son memoire par une construction de la courbe qui demande prealablement celle de deux autres, la premiere algebrique, la seconde formée en quarrant les espaces de la premiere. Cette construction qui rentre visiblement dans celle qu'on a donné lui est inferieure, puisque la courbe que l'on doit quarrer ne demandant par sa quadration que des [?] termes faciles a trouver par des tables, il est inutile de la quarrer par des operations graphiques toujours moins exactes et plus penibles que celles de nombres. D'ailleurs ici comme dans les autres parties de ce problême, M. de Silvabelle a eté prevenu et surpassé par M. Bouguer, puisque cet academicien a pris la peine de dresser une table ou l'on trouve les abscisses et les ordonnées de la courbe, pour des distances du sommet plus grandes que toutes celles dont on peut avoir besoin.

Par toutes ces observations nous croïons devoir conclure que ce memoire n'est pas digne de l'impression (PV 1752, pp. 403-406).

Gallica

Selon Delisle, d'Alembert et Bouguer n'ont pas voulu être rapporteurs de ce travail de Saint-Jacques (cf. 24 février 1753 (1)).

Le R. P. La Grange demande à Delisle de la part de Saint-Jacques le jugement de l'Académie (cf. 8 mars 1753 (1)).

Delisle le lui envoie le 30 mars (cf. 30 mars 1753 (1)).

Saint-Jacques de Silvabelle demande un nouveau jugement de l'Académie le 10 avril (cf. 10 avril 1753 (1)).

Le 31 août 1757 :
J'ay presenté de la part de M. de S[ain]t Jacques de Sylvabelle un memoire sur le solide de la moindre résistance pour l'examen duquel M[essieu]rs d'Alembert et de Montigny ont été nommés (PV 1757, p. 514).

D'Alembert et de Montigny remettent leur rapport le 6 septembre suivant et proposent de publier le mémoire sous réserve d'un certain nombre de retranchements (PV 1757, pp. 519-520).

Parallèlement le mémoire passe au comité de librairie dont Clairaut est membre (cf. 3 septembre 1757 (1)).

Il est finalement publié (Saint-Jacques de Silvabelle 60).

Clairaut avait déjà été rapporteur de Saint-Jacques le 21 juillet 1745 (cf. 21 juillet 1745 (1)).
Abréviation
  • PV : Procès-Verbaux, Archives de l'Académie des sciences, Paris.
Référence
  • Saint-Jacques de Silvabelle (Guillaume de), « Du solide de moindre résistance », Mémoires de mathématique et de physique, présentés à l'Académie royale des sciences par divers sçavans, et lus dans ses assemblées, 3 (1760) 638-649 [Télécharger] [21 juillet 1745 (1)] [Plus].
Courcelle (Olivier), « 2 août 1752 (1) : Clairaut rapporteur », Chronologie de la vie de Clairaut (1713-1765) [En ligne], http://www.clairaut.com/n2aout1752po1pf.html [Notice publiée le 10 avril 2011].