MM. Clairaut et Pingré ont parlé ainsi du traité de trigonometrie de M. Mauduit. Nous avons examiné par ordre de l'Academie [cf. 8 juin 1764 (1)] un ouvrage de M. Mauduit intitulé Principes d'astronomie sphérique, ou traité complet de trigonométrie spherique, dans lequel on a reuni les solutions numeriques, geometriques et analitiques de tous les problemes qui ont rapport à la résolution des triangles sphériques quelconques, avec une théorie des différences des mêmes triangles. Tous les cas de la trigonométrie sphérique peuvent être resolus de trois manieres différentes par le calcul numérique ordinaire, par la géometrie en faisant usage de la regle et du compas, enfin par l'analise. Dans le petit traité de trigonométrie sphérique qui précede les leçons d'astronomie de M. l'abbé de La Caille on trouve toutes les solutions numériques ordinaires de cette trigonometrie non seulement proposées, mais encore demontrées : on n'y fait aucune mention des solutions géometriques, dont en effet on peut se passer : enfin les solutions anlytiques pouvant être très utiles, M. de La Caille en a proposé plusieurs, mais sans en donner aucune demonstration. Il en est de même des analogies différentielles, dont l'usage est si utile et si etendu. M. Mauduit a supposé avec fondement que le public verroit avec plaisir toutes les propositions qui peuvent être d'usage dans la trigonométrie sphérique et toutes leurs demonstrations rassemblées méthodiquement dans un seul ouvrage : c'est ce qui l'a porté à entreprendre celui dont nous rendons compte à l'Academie. L'ouvrage de M. Mauduit suppose dans celui qui en entreprend la lecture la connoissance de l'algebre elementaire, de la geometrie plane, et de la trigonometrie rectiligne. M. Mauduit se propose de renfermer en cinq chapitres tout ce qui peut concerner la trigonométrie sphérique. Le premier chapitre est en quelque sorte préliminaire : il traite de propriété des sinus des cosinus et des tangentes. On doit dans la suite faire un usage particulier de ces principes ; il est donc à propos de les avoir plus presents à l'esprit. Ces propriétés sont par exemple que le sinus d'un angle est égal à sa tangente multipliée par son cosinus, que le rayon, plus le cosinus d'un angle, est égal au double du quarré du cosinus de la moitié de cet angle, ou bien encore au sinus de ce même angle divisé par la tangente de sa moitié etc. On démontre ces propriétés, on en tire es corollaires utiles, on donne le moien de trouver le sinus, le cosinus, la tangente de la somme ou de la difference de deux arcs, on établit des formules relatives à la somme ou à la différence de deux sinus ou de deux cosinus, on montre l'usage que l'on peut faire des formules précédentes dans l'employ des logarithmes, comme lorsqu'il s'agit de trouver le logarithme de la somme de deux nombres dont on n'a que les logarithmes de maniere qu'on ne veut ou même qu'on ne peut pas trouver ces logarithmes dans les tables. Ce chapitre contient la démonstration de toutes les formules proposées et démontrées par M. l'abbé de La Caille dans le troisieme article de son petit traité de trigonométrie sphérique : mais nous y avons de plus reconnu d'autres formules qu'on ne trouve point dans ce traité : telles sont les formules qui servent à trouver le sinus et le cosinus d'un arc double, ou triple, ou quadruple, etc. d'un arc dontle sinus et le cosinus est donné. Le second chapitre traite des propriétés des triangles sphériques rectangles ou non rectangles et de leur resolution : il est divisé en quatre sections. La première section a pour objet les triangles sphériques en général : on définit ce que c'est, on en expose les propriétés générales etc. Dans la deuxieme section M. Mauduit enseigne la maniere de résoudre tous les cas des triangles sphériques rectangles : il ne s'agit ici que des solutions qu'il nomme arithmétiques, et qui n'étant fondées que sur les rapports des sinus ou cosinus, tangentes ou cotangentes des angles a des côtés du triangle n'exigent qu'une analogie, ou deux si le triangle n'est pas rectangle. La méthode de tout ce chapitre est purement synthetique ainsi les résolutions qui y sont enseignées pourroient être appellées solutions synthétiques, comme M. Mauduit le recnnoit ailleurs. Pour donner la solution de tous les cas possibles des triangles sphériques rectangles M. Mauduit suppose qu'un tel triangle est la base d'une espèce de pyramide dont le sommet est au centre de la sphere, les côtés du triangle sont égaux aux angles à la pointe de la piramide dont ils sont les mesures ; les angles formés par les faces de la pyramide sont égaux à ceux du triangle : de ces combinaisons d'égalités M. Mauduit prend occasion d'établir onse théorêmes qui n'ont plus besoin que d'être proposés pour être démontrés, et ces onse théorèmes renferment toutes les analogies qui peuvent servir à la solution des triangles sphériques rectangles. À ces onse théorèmes qui seroient peut être difficies à retenir M. Mauduit en substitue ensuite un seul général, c'est celui par lequel le célebre Néper a réduit tous les cas possibles des triangles rectangles à deux seules analogies. Ces théorèmes sont accompagnés d'une table dans laquelle on voit d'un seul coup d'œil tous les cas que l'on peut avoir a resoudre, leur solution, et un renvoi tant aux onse théorèmes qu'aux deux analogies du théorème général sur lesquelles la solution requise est fondée. Dans un théorème suivant on détermine le rapport qu'il doit y avoir entre l'espece des côtés et celles des angles d'un triangle sphérique : c'est d'après ce théorême que l'on a décidé dans la table, lorsqu'on l'a pu, quand un côté ou un angle cherché devoit être pris au dessus ou au dessous de 50 degrés. Cette section finit par la démonstration de plusieurs formules relatives à la solution des triangles sphériques rectangles. Dans la troisième section il s'agit de la resolution des triangles sphériques obliquangles. Cette section est traitée selon les principes ordinaires, mais avec beaucoup d'ordre et de méthode. Une table génerale de tous les cas possibles des triangles obliquangles avec leurs solutions, renvoie aux différents théorêmes sur lesquels ces solutions sont fondées. Le cas où trois côtés d'un triangle étant connus on cherche un angle, est résolu par deux méthodes, par la méthode ordinaire qui conduit à trouver le sinus de la moitié de l'angle cherché et par une autre qui nous a paru nouvelle, en tant que par son moyen on parvient à connoître le cosinus de la moitié de cet angle : nous en disons autant relativement au cas où trois angles étant donnés on parvient à connoître un côté par la moitié de son cosinus : M. Mauduit conduit au même but par la moitié du sinus. Dans la quatrième section M. Mauduit se propose d'après Néper de déduire les analogies de la trigonométrie sphérique à celle des triangles rectilignes : il le fait en quatre théorèmes et quelques corollaires qui renferment tous les cas qui peuvent se présenter, excepté celui où l'on cherche les angles par les côtés, ou les côtés par les angles qui leur sont opposés : ce cas est aussi analogue à la trigonometrie rectiligne que les autres mais sa solution a été donnée dans la section précédente, il étoit inutile de la répéter ici. Il paroit que M. Mauduit n'a point de connoissance d'un mémoire imprimé parmi ceux de l'Académie de l'année 1756 page 301 : autrement il en auroit sans doute parlé dans un traité de trigonométrie qu'il veut rendre absolument complet. Dans ce mémoire, à l'exemple de Néper qui a réduit toutes les solutions des triangles sphériques à deux seules analogies, on a pareillement reduit à deux analogies semblables touts les cas de la trigonométrie sphérique obliquangle où il est besoin de diviser le triangle en deux par une perpendiculaire. Le troisieme chapitre est employé à donner des resolutions géometriques et graphique des triangles spheriques quelconques. M. Mauduit convient que dans la pratique cette méthode est peu sûre ; cependant il n'a pas cru devoir la supprimer entierement parce que ces resolutions sont vraiement rigoureuses et demontrées scrupuleusement dans la théorie, parce qu'il y a des cas où ces resolutions sont suffisantes, parce qu'elles sont le fondement de certaines théories ou de certaines opérations usitées dans l'astronomie et surtout dans le pilotage, enfin parce que l'on peut sur ces resolutions établir de nouvelles solutions analitiques très curieuses et souvent même très utiles. Le quatrième chapitre tire en effet des résolutions précédentes de nouvelles résolutions analytiques. Il est vrai que ces résolutions sont ordinairement plus compliquées que celles qui avoient été synthétiquement proposées au chapitre troisième : mais en premier lieu elles peuvent être simplifiées et M. Mauduit enseigne réellement les moyens d'y reussir : en second lieu il en tire beaucoup de formules trigonométriques, telles que celles que M. de La Caille a proposées dans son traité de trigonométrie sphérique et dont il n'a pas donné directement les démonstrations : enfin ces resolutions sont tres propres à exercer l'esprit, à l'accoutumer aux spéculations trigonométriques et à le mettre en état de faire les découvertes les plus importantes dans cette science. En traitant cette matière M. Mauduit est conduit naturellement à proposer des problêmes qui peuvent être très utiles dans l'astronomie et dans les autres sciences mathématiques ; tel est entre autres celui où il enseigne à résoudre par les logarithmes une équation du second degré. Il montre de plus la manière de résoudre un triangle sphérique rectangle dont on connoîtroit seulement un côté et la somme ou la différence des deux autres, un autre dont on ne conoîtroit que l'hypoténuse, mais que l'on sauroit d'ailleurs être isocele ; un troisieme dont il n'y auroit de connu que l'hypoténuse et la somme ou la différence des angles, ou bien dont on connoîtroit un seul angle oblique avec la somme ou la différence de deux côtés adjacents etc. Enfin le cinquieme chapitre traite des analogies différentielles des triangles sphériques quelconque[s]. Toutes les formules différentielles proposées et non prouvées par M. l'abbé de La Caille dans son traité de trigonométrie sphérique sont démontrées d'une maniere satisfaisante dans ce chapitre de M. Mauduit. Les deux chapitres précédents pouvoient fournir des démonstrations solides, mais peut être un peu trop compliquées : en conséquence M. Mauduit a cru devoir se borner aux démonstrations de M. Cotes, en les simplifiant autant qu'il a été possible. Il donne ensuite des exemples de l'application que l'on peut faire de ces formules différentielles, en renvoyant cependant ceux qui seront plus au fait au mémoire que M. l'abbé de La Caille a donné sur cette partie dans les mémoires de l'année 1747, lequel mémoire contient selon M. Mauduit un très grand nombre d'applications aussi heureuses qu'élégantes et faciles. L'ouvrage de M. Mauduit est terminé par la solution de deux problèmes dont l'objet est de déterminer les surfaces des triangles sphériques soit rectangles, soit obliquangles. Nous avons trouvé cet ouvrage conçu sans obscurité, méthodique sans affectation, capable de faciliter les succès de ceux qui s'occupent de l'etude de la trigonométrie sphérique, ou qui en veulent appliquer les principes aux autres sciences mathématiques : nous croyons en conséquence qu'il merite d'être imprimé avec l'approbation et sous le privilege de l'Académie (PV 1764, ff. 241v-246v).
PV : Procès-Verbaux, Archives de l'Académie des sciences, Paris.
Référence
Mauduit (Antoine-René), Principes d'astronomie sphérique, ou Traité complet de trigonométrie sphérique, Paris, 1765 [Télécharger] [8 juin 1764 (1)] [Plus].
Courcelle (Olivier), « 27 juin 1764 (2) : Clairaut rapporteur », Chronologie de la vie de Clairaut (1713-1765) [En ligne], http://www.clairaut.com/n27juin1764po2pf.html [Notice publiée le 12 mars 2013].