Alexis Clairaut (1713-1765)

Chronologie de la vie de Clairaut (1713-1765)


23 juin 1751 (2) : Clairaut rapporteur :
M[essieu]rs Clairaut et de Parcieux [Deparcieux] ont fait le rapport suivant des essays de mathematique de M[onsieu]r Digard.

Nous commissaires nommés pour l'Academie, avons examiné un memoire intitulé, Essays sur les mathematiques expliqués et demontrés par M[onsieu]r Digard.

L'auteur dit dans sa preface, sans blamer les vues d'aucun auteur qu'on ne manque pas d'excellents ouvrages sur les parties sublimes, mais que la plus part supposent des connoissances preliminaires dont on n'a pas assés aplani les difficultés pour les commençants, dans cette vuë M[onsieu]r Digard se borne aux parties élementaires. L'ouvrage qu'il s'est proposé formera quatre volumes.

Le premier dont nous allons rendre compte, contient dans une très grand détail, sans y avoir rien mis d'inutile, les regles du calcul tant numerique qu'algébrique des entiers et des fractions, des puissances et des rqacines, tant parfaites qu'imparfaites, passant de la au calcul des radicaus, et terminant ce premier volume par le calcul par les exposants.

Le 2eme volume contiendra les raisons et proportions de toute espece, avec l'analise au resolution des équations.

M[onsieu]r Digard donnera dans le 3eme volume la geometrie élementaire theorique et pratique, la trigometrie [!] rectiligne, la geodesie et le [nive]llement.

Le 4eme volume est destiné pour la mecanique des solides et des liquides ou M[onsieu]r Digard examinera d'abord les loix du mouvement, de la projection, et de la percussion, il passera de la aux principes de l'équilibre, a la construction et usages des machines simples et composées, à l'hydraulique et a l'hydrostatique. Tel est en general le projet de M[onsieu]r Digard. Nous allons exposer avec un peu plus de detail le plan du 1er volume.

M[onsieu]r Digard commence son premier volume par la division des mathematiques, en generales et particulieres ; il subdivise les mathematiques generales en calcul, analogie, et analise. La geometrie, la mecanique, l'optique etc. composant les particulieres ; cette division est suivie des principes generaux, definitions, axiomes et demandes le tout exposé d'une maniere claire et precise.

Après cette introduction M[onsieu]r Digard divise le reste du volume en six chapitre ; il traite dans les premiers des quatres operations sur les nombres entiers, addition, soustraction, multiplication et division, expliquées avec beaucoup d'ordre et de neteté, accompagnant chaque cas de tous les exemples necessaires.

L'auteur expose dans le 2e chapitre la nature de l'algebre elle est dit M[onsieu]r Digard, un calcul relatif en general, dont les expressions forment un langage occulaire.

Il distingue fort clairement les quantités positives d'avec les negatives, il fait remarquer qu'elles sont aussi reelles les unes que les autres ; il suppose que toute grandeur part du neant, soit en élevant au dessus soit en abaissant au dessous, de la de deux quantités qui se detruisent mutuellement, l'une est la negative de l'autre, comme le mouvement vert l'occident est un mouvement negatif par rapport à l'orient, ou comme les dettes d'un homme a l'égard de son bien et reciproquement.

Après quelques remarques sur l'ordre et la maniere d'ecrire les quantités algebriques, M[onsieu]r Digard passe aux operations qu'il annonce pouvoir etre faites de deux manieres differentes, la premiere n'est qu'une simple indication, l'autre est un moyen de simplifier l'expression en calculant réellement les grandeurs : il explique les divisions par fausse position après l'avoir expliquée selon la méthode ordinaire, les demonstration qu'il donne de toutes ces operations ainsi que de celles du premier chapitre sont des suites necessaires des premiers principes qu'il a etablis. Ce 2eme chapitre finit par quelques observations qui enseignent a reconnoitre les divisions algebriques impossibles afin de les eviter.

M[onsieu]r Digard éxplique dans le chapitre suivant la nature des fractions, soit numeriques soit algebriques. Il y donne les moyens ordinaires de trouver les nombres primitifs ; tous les diviseurs d'une meme quantité, ou seulement le nombre de ces diviseurs. Il y enseigne a trouver le plus grand comment [!] diviseur de deux ou plusieurs quantités, soit en multipliants les diviseurs primitifs communs, soit par la methode ordinaire en divisant le plus grand par le plus petit, et le plus petit par le reste s'il y en a un etc. tant pour les quantités numeriques qu'algebriques. Le premier de ces deux moyens lui fournit celui d'avoir le plus petit multiplie de deux ou de plusieurs quantités, le surplus de ce chapitre contient les regles des operations preparatoires au calcul des fractions.

Le 4eme chapitre est divisé en trois articles dont le premier a pour objet les operations principales sur les fractions generiques, c'est a dire sur les fractions algebriques en general et sur les fractions numeriques en particulier ; chaque operation est detaillée dans tous les cas qui peuvent se presenter sans en laisser aucun a desirer ; M[onsieu]r Digard fait ensuite voir comment on peut approcher a l'infini du quotient d'une division algebrique impossible.

Le 2e article contient les operations sur les quantités composées d'entiers et fractions ordinaires, comme livres sols et deniers ; toises pieds pouces etc.

L'auteur fait remarquer que [dans] l'adition et la soustraction les resultats sont de meme espece que les quantités sur lesquelles on a operé, mais que dans la multiplication le multiplicande etant concret le multiplicateur est abstrait et le produit est de la meme espece ou nature que le multiplicande, et que dans la division, le diviseur est toujours abstrait quoy que le dividende et le quotient soient concrets, et toujours l'un et l'autre de meme espece. Il a joint a ce calcul les tables des fractions de la toise de la livre de monnoye et de la livre de pesanteur.

Dans le 3e article M[onsieu]r Digard parle des fractions decimales, il expose les commodités qu'il y auroit a les employer dans tout ce qui s'appelle mesure ou tout ce qui susceptible de parties si ce n'est pour la durée des parties du temps dont la division étant fondée sur l'ordre naturel n'est pas susceptible de variation. Il enseigne la construction et l'usage des tables decimales, et il donne celles de la parche de 18 pieds ; de la toise ; du pied ; de la livre pesant ; de la livre de monnoye en supposant chacun des ces entiers divisé en 1 000 parties ce qui suffit pour l'usage le plus ordinaire. Enfin après [avoir] expliqué les quatres premieres operations sur les fractions decimales il applique ces fractions a l'aproximation du quotient exact d'une division numerique imparfaite et a la multiplication et division des quantités composées d'entiers et de fractions vulgaires pour se dispenser d'employer la methode de reduction qu'il a enseignée dans l'article precedent.

Dans le 5eme chapitre M[onsieu]r Digard explique comment se forment les puissances d'un binome, il fait voir pourquoy une puissance quelconque d'un binome a toujours un nombre de termes égal a l'exposant de cette puissance plus un, comment l'exposant du 1er terme decroit tandis que l'autre croit d'autant ; les variations des signes lorsqu'il y a des signes moins. Il fait remarquer que les coëficients des termes de toutes les puissances d'un binome sont dans le triangle arithmetique de M[onsieu]r Pascal, dont il fait voir la formation et les proprietés relatives a son sujet. Il dit enfin d'une maniere fort claire et bien emenée, tout ce qu'on peut dire sur la formation des puissances finissant cet article par la formule generale qui se trouve dans la plus part des auteurs, et son aplication a la formation des puissances.

M[onsieu]r Digard passe ensuite a la regle generale de l'extraction des racines par la comparaison de la puissance de meme deg[ré] du binome entrant dans un assés grand detail pour les racines quarrées et cubiques tant numeriques qu'algebriques par ou il termine ce chapitre.

Dans le 6eme et dernier chapitre, après avoir expliqué ce qu'on entend par puissances et racines imparfaites, M[onsieu]r Digard explique deux moyens dont on se sert pour avoir la racine plus ou moins aprochée d'une puissance numerique imparfaite, le premier qu'on appelle methode des arpenteurs consiste a prendre la racine du plus grand quarré ou du plus grand cuble et a faire du reste le numerateur d'une fraction a laquelle on donne pour denominateur deux fois le nombre entier trouvé plus l'unité s'il s'agit d'une racine quarrée ; autrefois [!] le quarré du nombre d'entiers touvés plus trois fois ce meme nombre plus l'unité s'il s'agit d'une racine cubique.

La 2eme aproximation, beaucoup plus approchante que la precedente, se fait par les decimales : L'auteur applique ensuite ce dernier moyen à l'extraction des racines des fractions generiques, soit en rendant le denominateur des puissances parfaits, ou en exprimant ces fractions par des fractions decimales, pour en avoir les racines aprochées.

M[onsieu]r Digard passe ensuite à l'aproximation des racines algebriques imparfaites, soit en separant la puissance imparfaite proposée en deux diviseurs dont l'un soit une puissance parfaite du degré demandé, quand cela est possible, mettant sa racine pour coëficient du radical sous lequel on met l'autre diviseur, mais comme on a rarement occasion d'appliquer ce principe, M[onsieu]r Digard en donne un autre general dont voicy le fondement.

Une quantité quelconque peut etre reprise en une puissance parfaite augmentée ou diminuée d'une autre quantité positive ou negative, on peut donc transformer une puissance imparfaite en y ajoutant ce qui y manque, ou en tranchant ce qu'elle a de trop ; et comme à la suite de la puissance parfaite qui en resultera, on fera entrer l'excez ou le defaut avec un signe contraire a celui qu'on luy a donné pour completer le puissance, il est evident qu'on ne change point la valeur de la quantité proposée.

M[onsieu]r Digard tire de ce principe deux formules d'aproximation pour les racines quarrées et cubiques et une formule generale pour approcher de la racine d'une puissance d'un degré quelconque.

Le calcul des radicaux vient naturellement a la suite des ces aproximations, il est divisé en operations accessoires, et operations principalles, les unes et les autres expliquées fort clairement. M[onsieu]r Digard finit son traité en expliquant les regles du calcul par les exposants.

Tel est le plan d'un ouvrage de M[onsieu]r D[igard] qu'il a taché de rendre interessant en saisissant toutes les occasions de faire des remarques utiles, les principes y sont disposés avec ordre, et clairement expliqués il y a plusieurs idées nouvelles les definitions sont justes et exactes, et le stil en est assés coulant que le sujet peut le permettre.

L'ouvrage est precedé d'un discours sur l'utilité des mathematiques que M[onsieu]r D[igard] a prononcé a l'ouverture de son cours public, sa principale vuë est de detruire les prejugés que repandent contre cette science ceux qui n'ayant pû y reussir veulent debouter les autres de s'y appliquer, en exagerant ses difficultés et en dissimulant ses avantages, le zele de l'auteur, et les efforts qu'il a faits pour rendre son livre utile merite d'estre loüé ; et nous pensons que l'ordre et la clarté qui regne dans l'ouvrage, le rend digne de l'impression (PV 1751, pp. 374-378).
Clairaut n'est pas reporté parmi les présents (cf. 23 juin 1751 (1)).

Grandjean de Fouchy donne un extrait du rapport le 7 juillet (cf. 7 juillet 1751 (2)).

C'est Camus et non Deparcieux qui avait été nommé rapporteur le 24 avril (cf. 24 avril 1751 (1)).

(Digard 52) avait été enregistré à la Librairie le 22 mai 1749 (cf. 22 mai 1749 (1)).
Abréviation
  • PV : Procès-Verbaux, Archives de l'Académie des sciences, Paris.
Référence
Courcelle (Olivier), « 23 juin 1751 (2) : Clairaut rapporteur », Chronologie de la vie de Clairaut (1713-1765) [En ligne], http://www.clairaut.com/n23juin1751po2pf.html [Notice publiée le 10 février 2012].