Messieurs Clairaut et Bezout [Bézout] ont fait le rapport suivant du memoire de M. Mauduit sur les corps gauches. Nous commissaires nommés par l'Academie [cf. 5 août 1758 (1)] avons examiné un memoire sur cubature des corps gauches, ou l'on se propose d'expliquer la formation de ces corps et la maniere de les mesurer sans être obligé de les decomposer. Si de trois des angles d'un quadrilatere regulier ou irregulier on imagine des perpendiculaires a son plan, et qu'ayant joint le quatrieme angle et les extremités de ces perpendiculaires par quatre droites on fasse parcourir a une regle uniformement et dans le meme tems deux cotés opposés de la figure comprise entre ces quatres droites, le solide compris entre cette surface courbe, les plans qui joignent ces perpendiculaires, et le quadrilatere qui sert de base, est ce que M[onsieu]r Mauduy auteur de ce memoire appelle avec les architectes corps gauche. Pour en determiner la solidité il fait passer par deux positions de la regle infiniment voisines deux plans perpendiculaires au plan de la base. Ces deux plans comprennent par consequent un petit corps gauche elementaire formé suivant la même loy que le total : mais dont les perp[endiculair]es aux angles de la baze peuvent être censées égales deux a deux, ce qui luy fournit un moyen facile pour assigner l'expression de ce petit solide en employant une proposition de geometrie ordinaire que l'auteur établit auparavant. Cette expression etant integrée donne la solidité cherchée quoy que le grand nombre de lignes données, dont l'expression differentielle depend, semble devoir rendre celle de l'integrale assés composée, et exige des calculs assés longs dans les substitutions qui restent a faire dans l'application. Neanmoins par la decomposition de cette derniere en ses facteurs, l'auteur parvient a une regle de pratique assés simple, et qui le devient encore plus dans les cas particuliers qu'il examine ensuite, et dont quelques uns peuvent se rencontrer frequemment dans les occasions ou l'on a de considerer ces sortes de corps, par exemple dans le calcul des deblais, ou des terrasses. Il remarque que dans le cas ou la base est un parallelogramme, et c'est la cas le plus frequent dans la pratique, les praticiens se contentent de partager le corps gauche en deux parties, dont l'une est un corps gauche qui a deux de ses perpendiculaires egales, et la deuxieme ils la considerent comme une espece de coin dont les faces seroient planes. Quoy que cette suposition ne s'écarte pas beaucoup du vray la plus part du temps, la methode proposée par l'auteur est preferable par deux raisons. La premiere parce qu'elle évite cette decomposition. La deuxieme parce qu'elle approche d'avantage de la mesure de la solidité en ce que comme il le demontre ensuite la surface superieure du corps gauche qu'il considere est de toutes les surfaces courbes la plus approchante de la surface plane, et imite par consequent davantage celle des terrasses. Après avoir consideré les corps gauches par rapport a leur usage dans la pratique : M[onsieu]r Mauduy examine la nature et les propriétés de quelqu'unes de des courbes qu'on peut tracer sur la surface superieure du corps gauche lorsque la baze a deux de ses cotés paralleles. Il donne l'équation de cette surface qui est une équation du deuxieme degré a 3 variables dont il resulte que si l'une des projections est une ligne droite qui divise semblablement les deux cotés paralleles de la baze, la surface courbe tracée sur le mouvement de la regle sur les deux lignes droites dont ces cotés paraleles sont les projections est la même que celle qui a été tracée d'abord en la faisant mouvoir sur les deux autres lignes droittes qui joignent les extremités des perp[endiculai]es et qu'ainsi on peut appliquer a cette surface courbe une regle en deux sens differents. La maniere dont l'auteur applique le calcul a ces recherches nous paroit aussi simple que le peut permettre le nombre des lignes que l'on a a considerer, et la methode pour mesurer les corps gauches pourroit être de quelque utilité dans la pratique : c'est pouquoy nous pensons que ce memoire peut etre approuvé par l'Academie, et imprimé dans le recueil des sçavants étrangers (PV 1758, p. 776-779).
Le mémoire a bien été publié (Mauduit 63). Clairaut sera encore rapporteur de Mauduit (cf. 27 juin 1764 (2)).
Abréviation
PV : Procès-Verbaux, Archives de l'Académie des sciences, Paris.
Référence
Mauduit (Antoine-René), « Mémoire sur la cubature des corps gauches », Mémoires de mathématique et de physique, présentés à l'Académie royale des sciences par divers sçavans, et lus dans ses assemblées, 4 (1763) 623-634, 1pl [Télécharger] [5 août 1758 (1)].
Courcelle (Olivier), « 19 août 1758 (1) : Clairaut rapporteur », Chronologie de la vie de Clairaut (1713-1765) [En ligne], http://www.clairaut.com/n19aout1758po1pf.html [Notice publiée le 4 mai 2011].