14 avril 1746 (1) : Jean-Baptiste Ludot écrit à Clairaut :
Copie de ma lettre a M[onsieu]r Clairaut du 14 avril 1746 Monsieur une lettre de M[onsieu]r de Mairan m'a appris que vous aviez bien voulu vous charger [cf. 12 février 1746 (1)] avec M[onsieu]r d'Alembert de voir quelques cahiers sur la manœuvre des vaisseaux que j'ai presenté ci devant a mondit s[ieu]r de Mairan a dessein d'obtenir son jugement et ses avis sur ce commencement d'ouvrage. Si je m'etois rendu a Paris dans le temps que je l'aprenois, j'aurois deja eu l'honneur d'aller chez vous vous offrir mes tres humbles respects et vous remercier de cette grace singuliere que vous daignez faire a un inconnu mais mon voyage est un peu retardé, c'est pourquoi je prends la liberté de vous ecrire en attendant le moment de paroitre devant vous. Quelque doive etre dans la suite le sort de mon entreprise sur la manœuvre j'en tire aujourd'hui un [fruit] reel et j'ai lieu de m'en applaudir en ce qu'elle me procure l'avantage d'approcher un geometre phisicien des plus eminents. Ce n'est pourtant pas avec une pleine fermeté et sans un certain tremblement que je m'en rejouis, et j'envie cette penetration qui a brill[é] en vous de si bonne heure ; cette etendue de connoissance que vous possedez a quelque chose de redoutable pour un homme aussi borné que je le suis a tout egard dans un age deja avance. Permettés moi donc, Monsieur, de vous demander quelque indulgence pour ma faible production et pour son auteur en meme temps que je la soumets a votre jugement. Je n'ai point etudie la geometrie et le calcul d'une maniere suivie et je n'ai vu a proprement parler que les premiers elemens de ces sciences aussi ai je bien senti en travaillant aux cahiers sur la manœuvre que [mes forces sont] peu proportionn[ée]s a toutes les parties de ce sujet. Tel endroit qui n'auroit rien couté a un veritable geometre m'a arreté et occupé longtemps et j'y ai placé des details dont la consideration m'a eté necessaire mais qui sont peut etre tres superflus dans le temps ou nous sommes. Je remets a vous dire lorsque j'aurai l'honneur de vous voir comment je me suis trouve engagé dans cette entreprise que j'ai quittee plus d'une fois. Quelques journaux m'ont appris que M. Saverien a donné depuis peu un ouvrage sur le meme sujet [(Savérien 45)], ouvrage ou il se propose d'eviter les inconveniens qu'entrainent deux suppo[siti]ons trop eloignees du vrai employees par M. Bernoulli, l'une sur la vitesse du vent relativement a celle du vaisseau, l'autre sur la figure du vaisseau. M. Saverien se rencontre avec moi dans [ce progres] mais il s'en eloigne d'ailleurs en ce qu'il a voulu exclure de son ouvrage les discussions et les calculs qui seroient trop difficiles pour le commun des navigateurs, et cela seul doit mettre de la difference entre cet ouvrage et ma composition, mais il s'en trouvera peut etre encore. Independamment de cela, je doute que nous convenions parfaitement quant au fond dans l'execution de notre commun projet. C'est un soupcon qui est fondé [...] M. Saverien [...] rapport dans le Mercure de fevrier [Mercure de France, février 1746, pp. 105-109] qui est la seule voye par ou je connois un peu le livre dont il s'agit, or je souhaiterois etre eclairci sur mon soupcon autrement que par l'inspection de [...] car comme il me reste a remplir le plan que je me suis fait il y a longtemps sur la manoeuvre des vaisseaux sujet a la derive et que, me bornant a de simples observations, je ne veux dire que ce qui m'est propre sans emailler ma composition par les fruits du travail d'autrui comme on pourroit le faire dans un ouvrage complet, je [...] m'abstenir de voir celui de M. Saverien jusqu'à ce que j'eusse fourni cette partie qui me reste, ou du moins jusqu'à ce que je vous en aye communiqué le plan et les moyens, au cas qu'il se trouve beaucoup d'affinite entre les vues de cet auteur et celles que renferment mes premiers cahiers, et que vous jugiez cependant que je doive continuer mon travail. Je vous prie [...] en ce dernier cas de daigner m'assister de quelques avis afin de procurer certaine valeur a ma composition, c'est une nouvelle grace que j'ose esperer de votre bonté. Si je dis quelques avis, par la j'entends [tous] ceux qui seront a ma faible portee. Que n'ai je les disposition necessaires pour profiter de tous les secours que vous pouviez fournir ! Mais il est bien des choses auxquelles je ne suis pas en etat d'attendre et je dois me renfermer dans ma sphere naturelle toute etroite qu'elle soit. Ce a quoi j'aspire par dessus tout, et a quoi je serois tres content de parvenir avec l'aide des habiles gens, c'est l'exactitude et non […] ou meme l'etendue du travail. Puisse cette inclination jointe a une vraie [...] la confirmation de votre bienveillance, et vous fasse agreer le profond respect avec lequel j'ai l'honneur d'etre, Monsieur, votre tres humble et tres obeissant serviteur [Ludot] (Bibliothèque municipale de Troyes, Ms 2584, liasse 1) (Élisabeth Badinter, CP, 9 février 2001).
Ludot écrit également à d'Alembert le 15 avril (cf. 15 avril 1746 (1)).
Courcelle (Olivier), « 14 avril 1746 (1) : Jean-Baptiste Ludot écrit à Clairaut », Chronologie de la vie de Clairaut (1713-1765) [En ligne], http://www.clairaut.com/n14avril1746po1pf.html [Notice publiée le 24 avril 2010].