Alexis Clairaut (1713-1765)

Chronologie de la vie de Clairaut (1713-1765)


20 décembre 1743 (2) : Clairaut rapporteur :
M[onsieu]r Clairaut lit à l'Académie ses repliques aux réponses de M[onsieu]r du Quetin relativement à ce qui a été dit ci dessus [cf. 13 juillet 1743 (1)]. Je dois envoyer les dites repliques à M[onsieu]r de Ratte secretaire de la Societé royale de Montpellier, et lui marquer que l'Académie etant suffisamment instruite touchant le mémoire de M[onsieu]r du Quetin, la Societé royale de Montpellier est priée de lui en envoyer un autre pour être mis à la fin du volume de 1741 de nos mémoires, selon les statuts, etc.

Réponses de M[onsieu]r Clairaut à M[onsieu]r du Quetin

I. Il ne faut que faire attention à la méthode suivie par les géometres, en divisant les courbes par classes pour savoir qu'on se sauroit regarder les lignes que M[onsieu]r du Quetin appelle les cercles du 3eme degré comme une espece differente de celles qu'il nomme ellipses. Ainsi je ne m'arrête point à le démontrer d'autant plus que M[onsieu]r du Quetin ne regarde pas cet article comme essentiel à son mémoire.

II. Je ne vois point clairement que M[onsieu]r de la Hire ait regardé la seconde branche des cercles impairs, comme appartenants de droit à la même courbe que la première branche. Mais quand cela seroit, cet article essentiel au mémoire de M[onsieu]r du Quetin n'en seroit pas moins deffectueux, et pas moins propre à empêcher le mémoire d'être imprimé. Cependant l'erreur de M[onsieu]r de la Hire, s'il en a commis une, ne me paroît point du tout de même nature que celle de M[onsieu]r du Quetin : elle ne pourroit venir que d'une expression louche. On peut penser, ce me semble, que M[onsieu]r de la Hire n'a doublé le demi cercle qu'afin d'avoir une figure ovale dans laquelle il peut tirer des lignes qui coupassent la figure des deux côtés de l'axe, parce que ces ovales composées ont des proprietés curieuses par elles mêmes, et je ne vois pas qu'il y eut aucune erreur à rechercher les proprietés d'une figure composée de differens morceaux de courbes qui auroient chacune leurs équations particulieres, pourvû qu'on ne donnât pas ces figures mixtes comme appartenantes à une seule et même équation.

Ce n'est plus la même chose lorsqu'on éxamine une courbe par son équation, et qu'on trace ses parties par le moyen des differentes valeurs que l'ordonnée reçoit à mesure que l'abcisse varie. On ne sauroit alors lui attribuer aucune branche que l'equation ne les donne. C'est à quoi M[onsieu]r du Quetin ne me paroît point du tout avoir fait attention dans son mémoire, quoi qu'il en soit informé dans ses réponses.

Je terminerai cet article en disant que M[onsieu]r du Quetin donne à mes paroles un autre sens que celui qu'elles ont, lorsqu'il dit que j'avance généralement que la branche de dessous n'appartient pas de droit à la courbe. J'ai dit que M[onsieu]r de la Hire ne donnoit pas cette branche comme appartenante de droit à la courbe, mais comme formée par le prolongement des ordonnées supérieures.

III. Ce n'est point du tout avec peine que j'approuve l'article de M[onsieu]r du Quêtin où il traite de l'énumeration des cercles : c'est au contraire avec plaisir ; j'aurois souhaité d'en faire de même des autres.

IV. J'ai eu tort dans mes premieres remarques d'avoir oublié de dire que M[onsieu]r du Quêtin citoit M[onsieu]r Guisnée ; mais je ne saurois me repentir d'avoit dit qu'un mémoire qui contenoit des choses connuës, ou non éxactes, ne devoit pas être inséré dans les mémoires de l'Académie. J'avouë qu'on a tiré de quelques propositions élémentaires, le sujet de plusieurs imprimés ; mais des verités simples présentées sous des vuës nouvelles, méritent quelque fois d'être imprimées préférablement à des recherches sçavantes.

V. Si j'avois pu deviner par le mémoire de M[onsieu]r du Quêtin qu'il sçavoit que les courbes exprimées par y3[=](a3+x2)x et y3=(a+x)x2 sont les mêmes que les cercles et les hyperboles du 3eme degré, je ne lui aurois pas fait remarquer ; mais ici comme dans le premier article, la maniere dont M[onsieu]r du Questin parle de ces courbes, fait tomber dans l'erreur les géometres accoûtumes à ne donner aux courbes que les figures qu'elles ont. Je sçais, ainsi que M[onsieu]r du Quêtin, que des valeurs particulieres données aux constantes, changent la nature des courbes, et cela parce que les racines de l'equation changent elles mêmes de nature, qu'elles deviennent imaginaires dans des cas où elles ne l'auroient pas été. Mais lorsque ces changemens n'arrivent pas, comme dans les ellipses et hyperboles en question, les differentes valeurs des constantes ne changent que les individus des courbes, et non les especes.

VI. Je crois que M[onsieu]r du Quêtin n'ignoroit pas ce que M[onsieu]r de l'Hôpital dit à la pag. 153 de ses Sections coniques ; mais s'il avoit vû ce qu'il dit à la pag. 340 et suivantes, il n'auroit pas regardé sûrement comme nouveau ce qu'il dit des paraboles. Et quand même M[onsieu]r de l'Hôpital n'auroit pas entierement prévenu M[onsieu]r du Quêtin sur cette matiere, tous les géometres qui ont un peu manié les equations des courbes sçavent que les paraboles renfermées dans l'equation ym+n=amxn ne peuvent avoir que trois formes.

VII. Je ne prétends point que M[onsieu]r du Quêtin avoit pillé personne, je ne veux dire autre chose sinon que la proposition n'est pas assez nouvelle pour être inserée dans les mémoires de l'Académie. Dans les recherches de cette nature si familieres aujourd'hui aux géometres on ne peut pas toûjours dire où se trouve telle ou telle remarque : mais il en est de [si] simples que chacun les a faites. M[onsieu]r du Questin termine cet article pour ne pas vouloir s'être trompé qu'avec M[onsieu]r de la Hire sur la figure des courbes qu'il appelle croix hyperboliques : je lui ferai donc la même réponse qu'au premier article.

VIII. Je crois encore qu'aucun bon géometre que je connoisse, n'a pris pour même courbe les hyperboles d'un degré plus haut que le second ; et que cette équivoque vient de ce qu'on n'a pas jugé à propos de faire des noms pour distinguer ces courbes. Il ne paroît point du tout que les auteurs dont parle M[onsieu]r du Questin aient pris l'une pour l'autre les hyperboles en question. L'article de la pag. 153 dont parle M[onsieu]r du Questin ne me paroît prouver autre chose, sinon qu'en formant sur l'equation xy=aa les deux équations xxy=a3 et xyy=a3, on n'a que la même hyperbole. Si on généralisoit toutes les equations possibles que peut avoir l'hyperbole ordinaire comme nxx+mxx=paa yy+a/b xy + ¼ aa/bb xx=dx+x2 etc., on auroit autant de courbes auxquelles on pourroit donner le nom d'hyperboles, parce que ce nom est un terme générique qui convient à toutes les lignes qui ont des asymptotes (PV 1743, pp. 542-545).

Gallica

Le rapport est lu le 9 janvier à Montpellier (cf. 9 janvier 1744 (2)).

Un manuscrit y est conservé (AD Hérault, D. 125, ff. 146-147bis).
Abréviations
  • AD : Archives départementales.
  • PV : Procès-Verbaux, Archives de l'Académie des sciences, Paris.
Courcelle (Olivier), « 20 décembre 1743 (2) : Clairaut rapporteur », Chronologie de la vie de Clairaut (1713-1765) [En ligne], http://www.clairaut.com/n20decembre1743po2pf.html [Notice publiée le 3 mars 2010].