M[essieu]rs Clairaut et Le Roy ont parlé ainsi du mémoire de M. de Chabanon sur un probleme de dynamique. Nous commissaires nommés par l'Academie [cf. 27 juin 1759 (1)] avons éxaminé un memoire de M. de Chabanon contenant la solution du problême de dynamique suivant. Deux plans inclinés d'une maniere quelconque à l'horison, comprenant ensemble un angle quelconque, étant donnés, et une ligne inflexible sans pesanteur, glissant le long de ces plans par l'action d'un corps fixement attaché sur cette ligne : on demande la vitesse de ce corps eû egard au frottement. Quelques experiences que l'on ait faites sur le frottement, on n'a pu jusques icy trouver qu'il fut sujet à des loix constantes. Il y a donc dans le choix de ces loix une sorte d'arbitraire qui laisse au géométre la liberté d'adopter celle qui lui convient. Ainsi M. de Chabanon a supposé que le frottement de la verge sur le plan, etoit dans une certaine raison constante avec la pression. Il est vray qu'à la rigueur cette hypothèse n'est pas exactement conforme a l'experience, car on sçait que le frottement change selon la vitesse du corps mû et par conséquent qu'il n'est pas toûjours dans le même rapport avec la pression. Mais comme il n'est ici question que d'un simple problème de théorie, il a très bien pû faire usage de cette supposition. Pour résoudre ce problême, ceci étant supposé, il falloit déterminer qu'elle etoit a chaque instant les vitesses ou les forces perduës, pour avoir celles qui restoient. Voci pour cet effet comme M. de Chabannon procède. La verge en glissant, entre les plans, ayant fait decrire au corps une petite ligne dans le premier instant, dans le second, il en decrivoit une semblable, si la pesanteur qui agit aussi en même tems, ne tendoit à lui en faire parcourir une autre, d'ou il suit que dans cet instant, il tend à decrire la diagonale de ces deux forces. Mais comme les plans l'empêchent de se mouvoir dans cette direction, il en prendra une autre. Or en faisant un parallelogramme dont cette nouvelle ligne décrite par le corps soit un des côtés et qui a pour diagonale, la diagonale qu'il auroit décrit sans l'obstacle des plans ; on trouvera que la troisieme ligne est égale à la force perduë et par le frottement et par la resistance du plan. Or pour trouver cette ligne qui exprime la force perduë, voivi comment l'auteur raisonne. Puisque la force, selon cette direction, est perduë, il faut qu'il y en ait deux autres qui agissant en sens contraire, la detruisent ; mais ces deux forces ne peuvent être que l'effet de la pression sur le plan et du frottement. Donc si l'on forme à chaque extremité de la ligne un parallelogramme rectangle, dont les côtés soient entr'eux dans la raison de la pression et du frottement ; les diagonales de ces deux parallelogrammes, prolongées se rencontreront en un point qui sera aussi celui du concours de la ligne, qui represente la force perduë par le corps. On a donc par la la direction et la valeur de cette ligne. Il n'est donc plus question ensuite que de trouver analytiquement, d'apres cette construction, le rapport entre la premiere ligne qu'il auroit decrite, et celle qu'il décrit ensuite pour avoir la solution du problème ou la vitesse du corps. C'est aussi ce que fait M. de Chabannon. Nous ne pouvons le suivre icy dans son calcul, il suffira de dire qu'il parvient très facilement à une équation intégrale ou constructible par le moyen des quadratures, d'où l'on tire la relation entre le tems et l'espace, ce qui donne la vitesse cherchée. Par ce qui vient d'être exposé, on voit que dans la solution de ce problême M. de Chabannon a fait usage du principe de dynamique de M. Dalembert. Il auroit pû employer aussi celui de la conservation des forces vives. Mais comme il le remarque avec raison, ce principe qui s'applique très bien lorsqu'on regarde les plans comme parfaitement polis et sans frottement, [ne] s'applique plus de même dès qu'on suppose qu'il y en a. On pourroit au lieu d'imaginer la verge chargée d'un seul corps, la supposer chargée de deux de trois ; enfin on pouvoit la supposer chargée d'une infinité, c'est a dire devenue elle même pesante. M. de Chabannon éxamine ces differens cas. Dans le premier, sçavoir celui où on la suppose chargée de deux, trois, quatre ou cinq poids etc, pourvû que leur nombre soit limité, la fifficultée n'est pas plus grande et sa solution s'y applique également, que lorsqu'il n'y en a que deux, supposition dans laquelle il resoud le problème. Dans le second où l'on suppose la verge elle même pesante, il y a comme il est facile de l'imaginer, plus de difficulté, cependant l'auteur en donne encore la solution, et determine la vitesse du centre de gravité. On voit par la maniere ingénieuse dont l'auteur a resolu ce problème et par les differentes remarques contenuës dans son mémoire et dont nous avons parlé, qu'il entend fort bien la dynamique et le calcul, et nous croyons que ce mémoire mérite l'approbation de l'Academie et d'être inséré dans le recueil des scavans étrangers (PV 1759, f. 622v-624v).
PV : Procès-Verbaux, Archives de l'Académie des sciences, Paris.
Référence
Chabanon de Maugris (), « Problème de dynamique », Mémoires de mathématique et de physique, présentés à l'Académie royale des sciences par divers sçavans, et lus dans ses assemblées, 4 (1763) 646-655, 2pl [Télécharger] [27 juin 1759 (1)].
Courcelle (Olivier), « 1 août 1759 (1) : Clairaut rapporteur », Chronologie de la vie de Clairaut (1713-1765) [En ligne], http://www.clairaut.com/n1aout1759po1pf.html [Notice publiée le 31 juillet 2011].