Alexis Clairaut (1713-1765)

Chronologie de la vie de Clairaut (1713-1765)


1927 (1) : Parution de Jean-Sylvain Bailly, par Fernand-Laurent :
[La Caille]
— […] Dans quelques instants, j'attends Clairaut, un type de savant fort différent du pauvre original que je donne sans doute l'impression d'être. Je vais vous [Bailly] présenter à lui. Clairaut est homme du monde. Il a l'érudition aimable et persuasive. Il vous rendra plus de services que moi.
[…]
— Je redoute un peu cette présentation à M. Clairaut. Trouverai-je en lui autant d'indulgence que chez vous ?
— Et de quelle indulgence avez-vous besoin ? repartit l'abbé. Qu'en feriez-vous ? Vous avez donné les preuves d'une vocation que M. Clairaut, au même titre que moi, se doit d'encourager. Lui aussi aimera votre sérieux qui impose. Pourquoi ferait-il la moue à cet aire de jeunesse qui, dans tout pays, peut passer pour la meilleure des recommandations ?
[…]
— Allons, s'écria le brave homme [La Caille], M. Clairaut sera toute sa vie en retard ! C'est incontestablement le moins exact des astronomes et des amis. Il est vrai qu'il se prodigue tant ! Il a tant de cordes à son arc ! Songez qu'il mène de front la science pure et la polémique. C'est à la fois un homme d'abstraction, un batailleur et un mondain. Oui, un mondain ! Il a un pied dans la Lune et l'autre sur les parquets où l'on danse ! Comment s'y prend-il pour venir à bout de toutes ces besognes disparates ? Eh bien justement, voilà : il arrive en retard ! L'orbite qu'il parcourt de son pied léger n'a rien d'immuable. Elle est sujette à des variations comme telle ou telle autre que nous avons étudiée ensemble. Voilà pourquoi, Monsieur Clairaut, vous manquez d'exactitude dans les rapports ordinaires de la vie. Voilà pourquoi vous êtes un homme difficile à saisir. Mais mon Dieu, je médis d'un ami. Je vous assure Monsieur Bailly, que c'était sans malice.
— Monsieur, dit le jeune homme, permettez-moi de me retirer. Vous allez sans doute avoir avec M. Clairaut un entretien important. Je m'en voudrais de le retarder d'une seconde.
— Le plus important de l'entretien ce sera votre présentation. Demeurez, mon jeune ami. Rien qu'en se manifestant à vous, M. Clairaut vous enseignera que l'étude n'a rien de rébarbatif et, quelle que soit l'intensité actuelle de votre vocation, il n'est pas mauvais de vous prémunir contre les découvertes de demain. Sait-on jamais ? À voir M. Clairaut, toujours mis comme un petit maître, on ne se douterait pas qu'il puisse se blottir autant d'algèbre sous les frisures de sa perruque. Cette brillante cervelle est en même temps un phénomène d'équilibre, de raisonnement, d'intuition, bref un étonnant composé de tous les dons. Savez-vous que cefut un enfant prodige, qu'il a renouvelé Pascal, qu'à seize ans il se passionnait pour l'analyse des infiniment petits au point d'y ajouter du sien, qu'un peu plus tard il s'attaquait aux lois de Newton et les vérifiait, qu'il en a fait autant pour les calculs de Halley et les a mis au point à un âge où l'on a coutume de courir après des distractions moins austères. Voilà pourtant l'homme ! Sans doute cet ascétisme de sa jeunesse s'est traduit dans la suite par un peu de libertinage. Oh ! la loi des compensations !... Il vous en parlera, car c'est justement le principe d'une de ses théories relatives à la gravitation… Et son expédition en Laponie dont j'allais oublier de vous parler. Ce dut être, pour un personnage de son tempérament et de ses goûts, une bien terrible pénitence. Il l'accomplit cependant avec entrain. Remarquez, mon enfant, que si je vous parle avec cette liberté confiante d'un homme pour qui je n'ai que de l'admiration, c'est que les écarts de M. Clairaut sont connus, non seulement des seuls initiés, mais un peu de tout le monde. Avouez que je vous ai rien appris. Mais surtout prenez patience, car il va venir et vous intéressera plus que moi.
[…]
Le jeune Bailly devinait, à entendre La Caille, qu'un contraste existait entre lui et Clairaut. La démonstration en fut faite l'instant d'après de tangible façon. M. Clairaut venait de faire son entrée.

Il portait des souliers fins à boucle d'argent, des bas de soie, une culotte violette, de larges parements aux manches et un catogan correctement noué. Watteau ne l'eût pas habillé avec plus d'élégance. On cherchait l'épée à son côté, tant l'ensemble évoquait le gentilhomme que cependant il était loin d'être. Toute cette correction vestimentaire était en grande partie motivée par ces affaires de cœur. Ex rival de Voltaire dans les bonnes grâces de la marquise du Châtelet, jusqu'au jour où il fut lui-même supplanté par Saint-Lambert, Clairaut menait l'existence paradoxale d'un « roué » de génie qui, à ses heures, se ferait bénédictin et passerait sans transition d'un alcôve parfumée à sa table de travail. Ce géomètre d'envergure presque pascalienne n'est connu aujourd'hui que des seuls spécialistes. Son nom n'éveille aucun écho dans la mémoire des profanes. Les encyclopédistes énumèrent ses travaux et font allusion à ce qu'il y eut de condamnable dans ses mœurs. On oublie généralement d'inscrire à son actif qu'il fut un des formateurs scientifiques de Bailly.

La Caille se leva, lui tendit les deux mains et, tout de go, présenta le jeune homme. Jean-Sylvain se sentait fort ému. Et d'emblée la conversation, sans s'attarder aux banalités d'usage, prit un tour sidéral. C'était l'époque où Clairaut piochait sa fameuse théorie de la Lune qui allait paraître en 1765 [!] seulement, accompagnée de tables très précises indiquant les variations et inégalités du mouvement de cet astre.

Il exposa son système avec une rare facilité d'élocution. Comme il était d'un naturel aimable et liant, d'une politesse raffinée, il intercala dans ses explications, à l'usage du néophyte, un aperçu rétrospectif de la question. Il allait de Ptolémée à Tycho-Brahé, abordait Newton et le corrigeait par Euler ; puis, montrant le point faible de chacun, concluait en faveur de ses propres conceptions. Il s'aperçut vite que tant de commentaires étaient pour le moins superflus, et que le protégé de M. de La Caille paraissait déjà au fait de toutes les particularités que comporte la révolution de l'astre des nuits autour de la Terre.

[…]

En sortant, Clairaut lui [Bailly] prit le bras sans façon et l'entraîna dans son orbite. Ils suivirent quelque temps les rues étroites et encombrées qui avoisinaient à cette époque Notre-Dame. Puis ils gagnèrent les quais. Clairaut, toujours loquace et familier, exposait ses projets, parlait sans orgueil de ses succès académiques, en prophétisait de semblables au jeune homme et lui donnait de précieux conseils.
— Nous serons amis, lui dit-il ; vous viendrez souvent me voir. Je me charge de faire de vous quelqu'un, car vous possédez l'étincelle et même, à ce qu'il me semble, le feu sacré. La science est une terrible maîtresse. On n'a jamais ses faveurs à soi tout seul. Elle sedonne comme une feuille publique, à qui veut la prendre. Aussi les enfants qu'elle met au monde ont-ils quantité de pères. Elle ne procrée qu'à cette condition. On ne la féconde qu'en sy mettant à plusieurs. C'est pourquoi ses vrais amants doivent se garder de toute jalousie et collaborer sans arrière-pensée à l'œuvre commune qui est l'enfantement continu du progrès. Vous êtes né, mon jeune ami, sous un signe fatidique. Du moins c'est ce qui ressort pour moi de l'entretien que nous avons eu aujourd'hui. Vous semblez porter les stigmates de la vocation. Eh bien, La Caille et moi nous vous passerons le flambeau. Et quasi cursores… À propos, croyez-vous en Dieu ?
Bailly répondit affirmativement.
— Vous faites bien, dit Clairaut. Ce vieux La Caille qui croit même au diable et qui a reçu dans sa jeunesse le pouvoir d'exorciser, m'a toujours semblé le plus heureux des hommes, et je l'envie sincèrement. Il est difficile de se passer de Dieu sur la Terre, même quand on ne croit pas en lui. Je me souviens qu'il y a une vingtaine d'année, lorsque nous avancions vers les glaces du pôle, une tempête de neige nous barra la route, nous immobilisa complètement pendant plusieurs jours, et cela dans un pays désertique, où vingt hectares de terrain ne nourriraient pas un homme dépourvu d'appétit. Il fallut mettre quelques-uns de nos chiens à la broche. Bref c'était la mort presque inévitable pour peu que la tourmente eût duré quelques jours de plus. Maupertuis, qui conduisait notre expédition, avait toujours fait profession d'athéisme [!]. Je l'entends encore discuter âprement avec le vieux [!] Celsius, un botaniste suédois, théologien à ses heures, qui nous accompagnait, et aussi avec l'abbé Outhier, lequel cependant n'était pas dévot. Eh bien, devant l'imminence de notre ensevelissement à tous sous le vaste linceul glacé, Maupertuis fit amende honorable. Ce trait m'est toujours demeuré dans l'esprit. Je ne sais vraiment point, cher Monsieur Bailly, pourquoi je vous ai conté cette histoire, car, en ce qui me concerne, j'ai toujours vécu loin du Dieu qui a créé les astres et les tourbillons de neige. J'ai le malheur d'être de mon siècle. C'est un malheur qui, croyez-le bien, n'a rien d'imaginaire, car ce siècle, amusant par sa frivolité, plein d'intérêt pour ses audaces, ne nous en conduit que plus sûrement à l'abîme. Où allons-nous ? Tous les fondements sont sapés à la fois. Oui, où allons-nous ? Vous êtes jeune, Monsieur Bailly, je crois qu'un jour vous verrez de grandes et terribles choses (Fernand-Laurent 27, pp. 28-38).

*

Ce fut l'année qui suivit la réapparition de la comète de Halley, c'est-à-dire en 1760, que le jeune [Bailly] mit son projet à exécution [installation d'un observatoire dans les Galeries du Louvre]. Il dut se contenter d'une installation fort sommaire. Clairaut, qui maintenant fréquentait régulièrement les Galeries et en qui Jacques Bailly avait trouvé un compagnon de plaisir, donna des conseils pour l'aménagement et prêta une lunette astronomique, beaucoup plus puissante que les médiocres instruments d'étude dont le jeune homme avait jusqu'à présent disposé. Clairaut lui installa également une lunette méridienne, c'est-à-dire destinée à repérer mathématiquement le passage des astres (Fernand-Laurent 27, pp. 41-42).

*

Lorsque son père surprenait en [Bailly] quelque preuve nouvelle de cette intellectualité excessive, il lui proposait d'un ton goguenard l'exemple de Clairaut.
— Voilà, disait-il, un homme dont personne n'oserait nier le talent ni la puissance de travail. Les réalisations de sa maturité n'ont fait mentir en rien les promesses de son adolescence. Il a commencé par être un prodige, puis il est devenu un exemple…
— Pas en toutes choses, mon père…
— Soit ! Mais c'est justement là que je veux en venir. Pour s'être montré parfois un peu plus dévergondé que ne l'eussent voulu son âge et son caractère, a-t-il relâché en quoi que ce soit son activité scientifique ? Non, il a simplement tempéré la gravité de ses occupations par des concessions à ce que j'appellerai les droits de la nature, et qui sont en même temps ceux de la société. De là cette exquise facilité d'humeur, grâce à quoi son commerce est si attrayant. M. Clairaut qui, pour le moins autant que vous, passe ses jours et ses nuits dans l'abstraction, me donne parfois, tant ses manières sont plaisantes, sa verve sans contrainte, tant ses vêtements me paraissent de bonne coupe, l'impression que je suis en colloque avec un marquis de Molière ! Tout en estimant son génie, vous faites de lui un débauché et vous l'en blâmez. Il est certain qu'il s'entend à mener de front travail et plaisirs, mais avouez qu'en se comportant de la sorte, M. Clairaut ne cause à la science nul préjudice et rend à la société ce qui lui est dû (Fernand-Laurent 27, pp. 60-61).

*

Mais cette fois à peine [Bailly] avait-il dépassé les Tuileries qu'il fut tiré de sa songerie par cette exclamation :
— Eh bien, Monsieur Bailly, que dites-vous de mon dernier libelle ?
Le promeneur fit subitement halte. Clairaut, l'air avenant comme toujours, lui tendait les deux mains.
— Je faisais allusion à mon dernier article contre d'Alembert, parce que j'imagine qu'en somme il est parvenu jusqu'à vous, jeune anachorète. Je ne pense pas que vous vous soyez retranché du monde au point de n'accorder jamais le moindre coup d'œil à ce qui s'imprime chaque jour, avec ou sans privilège du Roi.
— Même s'il en était ainsi, répliqua Bailly, je ferais exception pour vous, Monsieur. Eh bien, oui, j'ai lu votre dernière réfutation. Elle m'a paru, comme les précédentes, conçue avec une extrême rigueur de déduction et assaisonnée du meilleur sel. Vos possédez à la fois l'esprit de géométrie et de finesse, pour employer les expressions dont use Pascal avec lequel vous avez tant de points communs…
— Trêve de plaisanterie, s'écria Clairaut, vous m'offrez là un encens qui me donne envie d'éternuer !
— Aussi bien je ne vous compare à Pascal que sous bénéfice d'inventaire, car en somme vous ne possédez ni son zèle apologétique, ni l'austérité de mœurs dans lequel il a fini.
— Hélas non, fit Clairaut, et la preuve, c'est que de ce pas je me rendais chez votre père pour lui demander de vouloir bien m'agrandir en portrait une miniature qui m'est chère.
— Est-elle jolie au moins ?
— En doutez-vous ? Mais prenez-en votre parti, mon cher, vous ne la verrez pas. Les secrets d'alcôve ne se doivent point divulguer. J'ai d'ailleurs dessein de faire jurer à votre père qu'il se comportera en confesseur.
— Alors, dit le jeune astronome, en offrant une prise à son ancien, je n'en demande pas plus long, d'autant plus que je crois savoir de quelle personne il s'agit !
— Impertinent ! Mais parlons d'autre chose. Ainsi vous pensez que d'Alembert aura senti l'aiguillon ? J'ai vraiment hâte de lui faire mordre la poussière, car cette guerre de plume a trop longtemps duré. Moins que celle de Troie évidemment, mais pour une guerre allumée par une comète, ce n'est pas mal ! Il me semble qu'en faveur de la belle Hélène je me serais battu avec plus d'entrain.

Là-dessus, brusquement, Clairaut prit congé de son jeune collègue. La querelle de savants à laquelle il faisait allusion avait eu pour origine ses travaux touchant la fameuse comète de 1759. Plusieurs journalistes ayant exagéré leurs mérites, voilà d'Alembert qui en prend ombrage, et qui passe au crible les calculs de Clairaut comme celui-ci l'avait fait pour ceux d'Halley. Il y trouve naturellement quelques menues erreurs. Dans quelle œuvre humaine n'en trouverait-on pas ? De là une polémique ardue quant à son objet, mais rendue passionnante par l'ardeur et le talent des duellistes. Quel dommage, se disait Bailly, tout en se dirigeant vers la colline de Chaillot, de voir ainsi s'entredéchirer deux hommes d'un pareil mérite ! Il affichait pour l'un et pour l'autre une égale estime, bien qu'à plusieurs reprises Clairaut lui eût conseillé de se méfier de son rival.

À vrai dire les jugements de Clairaut lui étaient quelquefois suspects. Il redoutait en lui l'homme de passion. Depuis la disparition du brave La Caille, Clairaut cherchait, sans y réussir pleinement, à tenir auprès de Bailly l'emploi de conseiller très intime. Il s'évertuait à prendre en main la direction morale et scientifique de ce confrère si riche d'avenir, non certes par esprit de domination, mais par aménité pure. Seulement, là, Clairaut manquait des qualités requises. Pour exercer sur un caractère d'une trempe exceptionnelle, comme celui de Bailly, une influence totale, il fallait être soi-même un modèle complet. L'admiration du jeune astronome pour son nouveau guide était sujette à des éclipses. Cet homme d'abstraction, qui se transformait à ses heures en un polémiste mordant, ce géomètre amoureux avait de quoi le déconcerter et même l'inquiéter. Un pareil cumul sortait des règles communes. L'existence de Clairaut fut, en effet, un perpétuel mélange d'aridité et de fantaisie, où les bonnes fortunes tinrent autant de place que les découvertes.

[…] Le souvenir du bon La Caille, homme de devoir jusqu'au scrupule, envahit sa pensée et y souligna encore par contraste les façons parfois cyniques de Clairaut. Il se rappelait avoir ouï-conter bien souvent que, près de vingt années auparavant, ce dernier avait supplanté Voltaire dans le cœur de la marquise du Châtelet. Cette conquête n'avait certes rien d'extraordinaire en soi. Le siècle de Richelieu et de Casanova fut plus qu'aucun autre fertile en prouesses de cette sorte. Seulement ce qui, dans le court roman de Clairaut et de la fameuse Émilie, avait toujours excité l'étonnement de Bailly, c'est que l'entreprise de séduction eût commencé par des leçons d'astronomie. De tous temps les étoiles ont fait partie de l'arsenal de Cupidon, mais cette fois la manière de les utiliser était toute nouvelle.

Assis sous son arbre dont l'ombre s'allongeait imperceptiblement, tandis qu'à l'opposé dansaient en pleine lumière quelques moucherons, Bailly se remémorait toutes ces aventures galantes, qui, en leur temps, avaient défrayé la chronique mondaine et ajouté à la réputation grandissante de Clairaut un certain lustre de mauvais aloi. Voltaire, hors de lui, s'était vainement épuisé en prières, et en menaces. Puis, une beau jour, avait surgi Saint-Lambert, et cet autre séducteur avait vengé Voltaire du premier (Fernand-Laurent 27, pp. 61-64).

*

— J'ai eu la visite de Clairaut, lui dit son père [à Bailly]. Quel incorrigible coureur de filles ! J'avoue qu'il apporte dans le dévergondage un peu d'excès, et je crains même que cette fureur libertine ne finisse par lui jouer un vilain tour.
— Allons, je vois, mon père, que vous ne m'offrirez plus M. Clairaut comme modèle.
Et, citant Molière qu'il savait par cœur, le jeune astronome ajouta :
Quand sur une personne on prétend se régler,
C'est par les beaux côtés qu'il faut lui ressembler.

Bailly le père avait prévu juste. L'année suivante, Jean-Sylvain apprit chez d'Alembert que l'émule de Halley, le savant théoricien de la Lune, l'auteur du fameux théorème touchant le déplacement du centre de gravité terrestre, était à sa dernière heure. Il mourait prématurément après avoir connu toutes les formes du succès et épuisé toutes les jouissances du cœur. Ce célibataire endurci avait trop aimé la vie, et non seulement en homme de science, mais en homme de plaisir. Le monde extérieur l'avait accaparé par tout ce qu'il recèle d'inconnu, de transcendant, d'abstrait, d'accessible aux seuls initiés, mais aussi hélas ! par des prestiges plus sensibles. L'activité intellectuelle n'est pas toujours un refuge infaillible contre les sollicitations de l'instinct, et la loi des compensations, chère à certains moralistes, manque parfois de rigueur. Clairaut, homme de débauche intellectuelle autant que physique, fut à ce double égard une prodigieuse exception, et c'est pourquoi son cas mérite qu'on s'y arrête. Il y a quelque chose d'invraisemblable et même d'épique (Fernand-Laurent 27, pp. 67-68).
Fernand-Laurent indique dans sa préface que son ouvrage est une « vulgarisation historique ».
Référence
  • Fernand-Laurent (), Jean-Sylvain Bailly, Paris, 1927.
Courcelle (Olivier), « 1927 (1) : Parution de Jean-Sylvain Bailly, par Fernand-Laurent », Chronologie de la vie de Clairaut (1713-1765) [En ligne], http://www.clairaut.com/n1927po1pf.html [Notice publiée le 12 juillet 2007].