Michel-Ferdinand de Chaulnes a habité l'hôtel de Vendôme [ultérieurement siège de l'École des mines] de 1746 à 1758, avec la duchesse sa femme, méridionale de Montpellier, pétillante d'esprit et d'un entrain endiablé : pendant cette période de douze ans, les beaux salons de l'hôtel de Vendôme furent parmi les plus recherchés de Paris. Savants et beaux esprits s'y réunissaient à l'envi : c'était l'Académie en raccourci, et Mme de Chaulnes, à qui le galant Clairaut avait appris l'algèbre en six mois, ne manquait pas une des séances (Chesnau 14, p. 68).
M. le duc de Chaulnes était, de plus, un de ces savants qui honorent le monde et la science, par le zèle, l'enthousiasme, l'effort constant et désintéressé, l'amour du travail pour le travail même, le don presque entier de leur fortune, le don entier de leur temps pour l'avancement des connaissances humaines. Sa vie n'était que recherches, problèmes, expériences. Il n'avait d'autres amis que ses collègues de l'Académie des sciences : les Mairan, les Clairaut, les Lemonnier. Que de positif, que de sérieux, que d'algèbre pour les oreilles de la jeune madame de Chaulnes ! Elle bouillait, elle séchait : écouter et ne pas entendre! Vite, elle se jette à l'étude; elle apprend, elle dévore; elle se met une bibliothèque en la tête ; et au bout de six mois, la voilà de niveau avec l'Académie, digue de lui répondre, de l'interrompre même, d'embarrasser son mari et les amis de son mari (Goncourt 57, p. 109).L'hôtel de Chaulnes devint une Académie au petit pied, où se réunissaient Mairan, Clairaut, Le Monnier et d'autres savants de l'époque. La duchesse assistait à ces réunions, dépourvues de tout attrait pour elle, dans lesquelles se débattaient les problèmes arides de la science ; elle voulut prendre part à ces causeries. « Je vous écoute avec plaisir, dit-elle aux académiciens ; mais votre société me plairait bien davantage si vous vouliez m'initier dans les sciences que vous professez. — Rien de plus facile, Madame ; donnez-nous seulement une heure par jour et vous serez bientôt en état de les entendre. » Sans perdre de temps, on se mit à l'étude.Grâce aux rares qualités de l'élève et à son vif désir d'apprendre, — car, au dire de Mme du Deffant, la duchesse de Chaulnes avait une telle rage do tout approfondir qu'elle voulait savoir « qui l'a pondue, qui l'a couvée. » — Au bout de six mois ses maîtres déclarèrent n'avoir plus rien à lui enseigner. Désormais elle était digne d'entrer dans la docte compagnie. Comme Mme du Châtelet, comme tant d'autres à cette époque, elle compta parmi les femmes qui « ont forcé le sanctuaire des sciences (Grasset-Morel 86, p. 173).Le séjour des de Chaulnes, rue d'Enfer s'est donc étendu de 1733 à 1758. Ces vingt-cinq années sont la page la plus brillante de la chronique de l'Hôtel de Vendôme. […] Au temps de M. de Chaulnes, il y avait, rue d'Enfer, un atelier de mécanique de précision, une musée d'histoire naturelle et un cabinet d'instruments. M. de Chaulnes eut la plus grosse machine électrique de l'époque. Cette machine, complétée par une batterie, servit à reproduire, pour la première fois en France, les effets de la foudre. Dans ses salons donnés à la sciences, le duc réunissait ses amis de l'Académie, surtout les mathématiciens et les astronomes, Clairaut, de Mairan, Le Monnier. C'était l'Académie en raccourci. Mme de Chaulnes ne manquait pas une de ses séances.« Mme de Chaulnes [Voir Correspondance Deffand ; Sénac de Meilhan : Portraits et caractères ; Mémoire du comte de Maurepas, t. IV, p. 154 ; Chamfort ; Goncourt, Portraits intimes ; Grasset Morel 86 NDA], disait Mme du Deffand, veut toujours savoir qui l'a pondu, qui l'a couvé ; c'est un esprit profond, mais nullement gracieux ». Mme de Chaulnes est curieuse et intelligente. Elle s'intéresse à la physique, aux sciences naturelles ; les mathématiques l'attirent d'avantage. À la première séance de la petite académie, elle demande qu'on lui apprenne l'algèbre. C'est l'émule rêvée de Mme du Châtelet, le galant Clairaut s'empresse. Six mois plus tard, Mme de Chaulnes en sait assez pour embarrasser son mari et les amis de son mari. La jeune intelligence a deviné plutôt qu'elle n'a appris (Malher 09, pp. 46-51).
Abréviation
NDA : Note de l'auteur.
Références
Chesnau (Gabriel), « Discours de M. Chesnau », Compte rendu des fêtes du cinquantenaire de l'Association, célébrées les 12, 13, 14 et 15 juin 1914, Paris, 1914.
Goncourt (Edmond de), Goncourt (Jules de), Portraits intimes du XVIIIe siècle. Études nouvelles, Paris, 1857 [Télécharger].
Grasset-Morel (), Les Bonniers ou une famille de financiers au XVIIIe siècle, Paris, 1886 [Télécharger].
Malher (Pierre), La Chartreuse de Vauvert et l'Hôtel de Vendôme, Librairie polytechnique, 1909.
Courcelle (Olivier), « 13 juin 1914 (1) : Chesnau prononce un discours », Chronologie de la vie de Clairaut (1713-1765) [En ligne], http://www.clairaut.com/n13juin1914po1pf.html [Notice publiée le 15 avril 2013].
Dans ses salons donnés à la sciences, le duc réunissait ses amis de l'Académie, surtout les mathématiciens et les astronomes, Clairaut, de Mairan, Le Monnier. C'était l'Académie en raccourci. Mme de Chaulnes ne manquait pas une de ses séances. « Mme de Chaulnes [Voir Correspondance Deffand ; Sénac de Meilhan : Portraits et caractères ; Mémoire du comte de Maurepas, t. IV, p. 154 ; Chamfort ; Goncourt, Portraits intimes ; Grasset Morel 86 NDA], disait Mme du Deffand, veut toujours savoir qui l'a pondu, qui l'a couvé ; c'est un esprit profond, mais nullement gracieux ». Mme de Chaulnes est curieuse et intelligente. Elle s'intéresse à la physique, aux sciences naturelles ; les mathématiques l'attirent d'avantage. À la première séance de la petite académie, elle demande qu'on lui apprenne l'algèbre. C'est l'émule rêvée de Mme du Châtelet, le galant Clairaut s'empresse. Six mois plus tard, Mme de Chaulnes en sait assez pour embarrasser son mari et les amis de son mari. La jeune intelligence a deviné plutôt qu'elle n'a appris (Malher 09, pp. 46-51).